F60
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Farman F.60 "Goliath"

Liste de production F.60

F.60 n° 76 > F.62, n/c ?

F-ESAO


            En 1920, Bossoutrot et Bernard avaient remporté le record de durée de vol en 24 h 19 mn 7 s sur le Goliath n°11 F-YHMF.


            En 1922, Farman décide de reprendre ce record détenu depuis les 29 et 30 décembre 1921 par les américains Edward A. Stinson et Lloyd W. Bertaud avec 26h 19mn 30 s. Dans ce but, un F.60 est équipé de 2 moteurs Renault 300 cv appréciés pour leur régularité et munis d'hélices tripales en acier Lumière-Leitner à pas variable au sol (de construction britannique). Le fuselage sans fenêtres contient des réservoirs d'essence qui portent l'autonomie de l'appareil à plus de 4000 km. La surface de la voilure de 28 m d'envergure est légèrement augmentée (160 m²). Le Goliath était aménagé avec une couchette permettant en principe aux deux pilotes de se reposer à tour de rôle, mais qu'ils n'utiliseront que peu.

            Le carnet de vol de Bossoutrot nous indique que ce Goliath de numéro constructeur 76 est immatriculé F-ESAO.

Le F.60 n°76 du record de durée de vol de Bossoutrot et Drouhin en octobre 1922.

L'avant de l'appareil est peint en blanc; l'arrière reste apparemment toile vernie.

La photographie du Petit Journal confirme l'immatriculation de l'appareil également donnée dans le carnet de vol de Bossoutrot

[Sources : le Petit Journal Illustré et l'Aérophile via gallica.bnf.fr]


            Le 14 octobre à 6h13mn 36s 4/5, Lucien Bossoutrot décolle du Bourget en compagnie de Maurice Drouhin. Le Goliath emporte 4200 litres de carburant et 600 litres d'huile. Aprés avoir volé une douzaine d'heures entre 500 et 1000 m, l'allègement de l'appareil leur a permis de monter à 1500-2000 m. Comme ils n'ont pas emporté de TSF pour éviter de charger l'appareil, ils se sont munis de messages lestés et un Goliath prend l'air si nécessaire pour communiquer avec eux au moyen de panneaux.

            Lorsque, à court d'essence, ils se posent au Bourget le 15 octobre à 16h 27mn 44s, ils ont largement battu le record officiel ayant couvert 4452 km en 34h 14mn et 7s. Ils n'ont cependant pas battu le record officieux de 35h 18mn réalisé la semaine précédente (7 et 8 octobre) par les lieutenants John A. Macready and Oakley G. Kelly, mais qui ne sera pas homologué, car ne répondant pas aux conditions de la Fédération Aéronautique Internationale.


            Si l'appareil semble disparaître, tel n'est pas le cas et son évolution nous est révélée par une brochure Farman publiée vers 1927 et explicitant les choix stratégiques fait pour les Goliath, et notamment celui de la construction bois. sous divers aspects : légèreté, longévité, déformation, homogénéité, industrialisation, interchangeabilité, robustesse, réparation, économie.

            Pour démontrer l'absence de déformation liée à l'usage du bois, le rédacteur cite un exemple:

En d'autres termes, le monomoteur Farman de 500 cv de 1924 et 1925, immatriculé F-EASO est une reconversion du Goliath bimoteur Renault 300 cv de 1922, également immatriculé F-EASO.


            Après l'échec du F.130 T à moteur Farman W18d de 600 cv, Farman reconstruit donc sur la base du bimoteur du record de durée de 1922 un monomoteur utilisant le Farman type 12 W.D de 450cv.


            Ce F.62 - curieusement homonyme du bimoteur Lorraine de septembre 1924 - conserve les caractéristiques du Goliath avec une voilure légèrement agrandie et un fuselage modifié pour recevoir le moteur Farman. Ce moteur donné comme 400cv peut développer jusqu'à 520 cv à 2200 t/mn.


            En vue du record du monde de durée, l'appareil conserve l'équipement en grands réservoirs et emporte 4115 litres de carburant et 333 litres d'huile. Le moteur est équipé d'une hélice bipale Chauvière en bois. L'ensemble a une masse de 6400 kg au décollage.

Le 16 juillet à 5h00 du matin, l'appareil reprenant l'immatriculation d'essai F-ESAO décolle de Chartres, piloté par Coupet et Drouhin. Il vole à 200 m d'altitude le jour, montant à 400 m la nuit, les deux pilotes se relayant toutes les 3 heures.


            Pour essayer de battre également le record de distance, le Goliath reste sur la ligne Etampes - Chartres, mais le mauvais temps et un violent orage obligent les pilotes à dériver vers le sud, abandonnant l'espoir d'être contrôlés du sol. Passant vers Melun, Gien et Orléans, ils reviennent vers Chartres le 17 à 6h00. A 9h00, Coupet, malade après avoir avalé une forte dose d'aspirine au lieu de caféine, doit céder le pilotage à Drouhin. Le temps se dégradant encore, les pilotes se reposent finalement à Chartres le 17 à 19h 1mn 20s, ayant battu les records de durée avec et sans ravitaillement avec 37h 59 mn 10s de vol. Il reste alors dans leurs réservoirs 750 litres de carburant et 250 litres d'huile.


            Le 7 août 1925, le F.62 F-ESAO décolle de nouveau à partir de Chartres à 5h30mn11s piloté par Drouhin et Landry.


            L'envergure de l'appareil a été légèrement augmentée. Il est maintenant équipé d'un moteur Farman type 12 W.N. de 500 cv pouvant donner jusqu'à 540 cv et d'un réducteur Farman de rapport 1/2 lui permettant d'utiliser une hélice Chauvière bipale de 4,10 m de diamètre; selon une interview donnée par Drouhin au Petit Parisien après leur atterrissage, ce serait la même que celle du record de durée de 1924.

            L'appareil pèse 6460 kg au décollage et emporte 4195 litres d'essence (2890 kg) et 200 litres d'huile.

Le Farman F.62 F-ESAO du record en août 1925 (Source : L'Aéronautique)


            L'avion effectue un circuit entre Chartres et Etampes, sur lequel des projecteurs ont été implantés tous les 10 km pour les vols de nuit. Bénéficiant d'une météo très favorable, il se repose le 9 août à 2h 42mn 10s. Les pilotes ont terminé en tournant pendant 1h30 sur l'aérodrome de Chartres, ne voulant pas prendre le risque d'un atterrissage de nuit en campagne. Il reste alors dans les réservoirs 162 kg d'essence et 71 kg d'huile, soit environ 100 km d'autonomie.


            Le soir même du 9 août, les pilotes ramènent leur appareil à Toussus le Noble.

            Financièrement, cette réussite est une belle opération pour Farman. Le sous-secrétaire d'Etat à l'Aéronautique, Laurent Eynac, a en effet attribué une prime de 50.000 F pour chacun des deux records de durée et de distance battus à cette occasion, ainsi qu'une prime de 70.000 F pour le constructeur du moteur.


            Le sort ultérieur du F-ESAO nous est inconnu, mais il serait surprenant que cette cellule ait été une fois de plus réutiliisée.

Tous droits réservés - Michel Barrière - crezan.aviation@gmail.com

F.130T n°01

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