F60
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Farman F.60 "Goliath"

Liste de production F.60

F.60 n° 35 / 69..

STAé


                        En 1921, les Goliath Salmson sont mis en commande par les militaires dans sa version Bn2 sur la base de celle proposée par Farman en 1918. Le F.60 Bn2 n°1 apparait en février 1922 dans le carnet de vol de Bossoutrot alors que selon Jean Liron, les premiers marchés et lettres de commande ne seraient signés en novembre 1922, les premiers appareils entrant en service en 1923.


            Cependant, le 1°mars 1922, Bossoutrot assure la réception et la livraison du "Goliath n°35". Comme le confirment les inscriptions de sa dérive, il s'agit d'un Goliath-Renault - (donc un F.61, ce qui souligne que le moteur n'est pas réellement un caractère identifiant du type pour Farman et par voie de conséquence souligne l'ambiguité des numéros de série) - d'un modèle très particulier mis en service par le STAé : il s'agit d'un appareil commercial réaménagé et équipé de façon à permettre son utilisation pour des essais de systèmes de navigation et de pilotage.

Sur la dérive du F.60 du STAe aux inscriptions règlementaires apparaît son numéro de série 35. [Coll. Michel Barrière]

            

            Le Goliath n°35 est doté d'aménagements et d'équipements spéciaux, pour la plupart présentés en 1921 à l'occasion du Congrès international de la Navigation Aérienne et du Salon de l'Aéronautique.


            Son équipement de base comprend notamment :

            - un compas Vion type G.M. avec dispositif pour relèvements optiques; pour sa mise en oeuvre, le Goliath est doté d'un balcon avant caréné pour éviter tout courant d'air gênant à l'intérieur de la cabine lors de son utilisation,

            - le dérivomètre STAe n°1,

            - un contrôleur de vol Badin,

            - un "Air Distance Recorder" Pioneer, sorte de loch aérien à moulinet,

            - des transmetteurs d'ordres et jaugeurs d'esence Corset de la société SUMA,

            - une jumelle à prime coudée de la Société d'Optique de haute Précision.


            Les moyens de télécommunication étant jugés part intégrale d'un système de navigation, le Goliath est également équipé d'un système de TSF répondant aux règlements internationaux et donc conforme à la réglementation imposée aux aéronefs commerciaux. Cette installation est constituée de deux postes mixtes, télégraphie et voix, du type DC-4 de la Société Française Radioélectrique. L'état des stations ne lui permet d'établir des liaisons bilatérales qu'avec Le Bourget, alors qu'il pourra être reçu de plusieurs stations, notamment Lyon et Marignane.

            

            Le Goliath est immédiatement utilisé pour des essais du système de navigation Mazade - Aveline, dont 2 exemplaires sont, pendant un temps, installés à bord à titre expérimental.

Aménagement du Goliath-Renault du Service Technique de l'Aéronautique [Source : L'Aéronautique, 1922]


            Nous connaissons relativement bien ses deux premières années, d'activité, probablement du fait du rôle que lui donne Laurent-Eynac pour la propagande aéronautique.


            La première sortie significative de l'appareil veut être une démonstration de navigation sur un long parcours. Laurent-Eynac ayant décidé de participer à ce vol, il en fixera lui-même la date : le 16 avril 1922, date à laquelle il doit se rendre à Marseille pour l'inauguration de la section aéronautique de l'Exposition Coloniale.

            Pour ce vol, l'équipage du Goliath est exceptionnellement constitué du Lieutenant-Colonel Casse, chef du cabinet technique de Laurent-Eynac; du Capitaine de corvette Destrem, navigateur; du Lieutenant Jouy, ingénieur-pilote du STAE spécialisé dans les essais des systèmes de navigation et de pilotage; de l'adjudant Hernu, pilote d'essai au STAe; du Lieutenant Alessandri, chargé de la TSF et de M. Couesnon, mécanicien.


            Le départ du Goliath a lieu le 16 avril à 8h07 de l'annexe du STAe à Villacoublay. La météorologie, marquée par la présence de grains très violents, n'est guère favorable. La fatigue fera vite ressentir aux pilotes l'utilité d'un deuxième poste de pilotage. Si les moteurs Renault 300 cv donnent satisfaction, l'endommagement des hélices par la pluie leur font subir des vibrations auxquelles l'équipage attribue quelques avaries réparées aux étapes. Les mêmes circonstances atmosphèriques limiteront par contre la possibilité d'effectuer des relèvements optiques au compas Vion.

Objet de la curiosité locale sur un terrain militaire non identifié, le F.60 du STAé, sans doute lors de l'un de ses voyages d'essai de 1922. [Coll. Michel Barrière]

            Après un long vol au dessus d'une mer de nuages, le Goliath effectue sa première escale à midi à Lyon pour le déjeuner. Il en repart à 13h45 pour Istres. Il trouve à Valence une pluie violente cachant le sol, grain étendu venant du nord-ouest qui oblige l'appareil à prendre de l'altitude et à suivre la vallée du Rhône pour éviter les contreforts montagneux. Cette partie du voyage est entièrement effectuée aux instruments. A la verticale d'Avignon, bien visible, le pilote peut redescendre, prenant le cap d'Istres à 600 m d'altitude pour éviter les Alpilles toujours cachées dans d'épais nuages. A l'approche de la mer, les nuages se dissipent ne laissant que la pluie et une meilleure visibilité du sol, temps qui accompagne l'avion jusqu'à Istres où le Goliath se pose à 15h30, après 5h40 de vol effectif.

            Le 17, Laurent-Eynac est à Marseille où il assiste aux épreuves de la croisière de la Méditerranée en hydravion.


            Le 7 juin 1922, le Goliath n°35 décolle à 6h25 de Villacoublay pour effectuer des essais d'un poste de téléphonie sans fil développé par les Etablissements Levy. L'équipage, commandé par le colonel Casse, est similaire à celui du vol d'avril complété par un second opérateur radio. A 9h15, le Goliath se pose à Nancy/Malzéville. Le bris lors du roulage d'un sandow de la béquille de queue retarde son départ jusqu'à 16h20. A 18h05, après un virage sur Phalsbourg, il se pose sur le terrain de Neustadt/Lachen-Speyendorf.

            Le 8 juin, la journée est consacrée à la présentation de l'aménagement du Goliath au personnel navigant du 12° Régiment de bombardement, dont Casse est l'ancien commandant.

            Le 9 au matin, le Goliath décolle à 6h25 pour Nancy/Malzéville, l'équipage s'étant accru d'un officier du 12° Régiment de bombardement. Après avoir fait le plein, il repart à 9h15, le vol étant marqué par une erreur de calcul du navigateur qui conduit l'appareil à s'égarer avant de corriger sa trajectoire, se posant à Villacoublay à midi.

            

            En septembre 1922, le Goliath avec toujours le même équipage effectue un Tour de France de 2000 km, parti de Villacoublay et se posant successivement à Dijon, Lyon, Istres, Nîmes où il embarque le ministre Laurent-Eynac, le député de l'Hérault, M. Guilhaumon, et un sénateur M. Bergeon, pour rejoindre l'aéroport de Marseille-Marignane dont Laurent-Eynac préside le 30 octobre la cérémonie d'inauguration. Le Goliath revient ensuite à Paris avec des escales à Toulouse, Bordeaux et Tours, effectuant sur l'ensemble du trajet des mesures de liaisons radio pour le Service de la Navigation Aérienne dont dépendent ces terrains, hormis ceux d'Istres et de Tours, terrains militaires.


            En janvier 1923, le Sous-Secrétariat d'Etat à l'Aéronautique et l'Air Ministry décident de réaliser des vols de nuit sur Paris-Londres. Le 29 janvier, vers 13h00, le Goliath du STAé décolle de Villacoublay pour Londres. Il est piloté par le lieutenat Jouy et les adjudants Hernu et Viard, avec comme passagers le Commandant Destrem, chef de mission, le capitaine Philippe, le Lieutenant Alessandri, ainsi que le mécanicien civil Couesnon. Sans nouvelles de l'avion, les postes de TSF du Bourget, de Saint Inglevert, Lympne et Croydon veillent une partie de la nuit. En fait, le mauvais temps les a obligé à se poser à Montreuil-sur-Mer où ils restent bloqués plusieurs jours.

            Ces essais, qui visent à autoriser dans le courant de l'année la réalisation par les compagnies aériennes de vols de nuit réguliers sur Paris - Londres, reprennent à partir du 5 février, en principe chaque nuit et dans les deux sens pendant 20 jours. Tandis que le Goliath réalise une liaison Le Bourget - Croydon, un avion britannique part de Croydon vers 22h00 pour arriver au Bourget un peu avant minuit. La route est marquée par des phares de 50 en 50 km, et une série de balises lumineuses sont placées de chaque côté de la Manche pour sécuriser la traversée.

            Ces essais font un usage intensif  de la radio. Vers le 10 février, par exemple, le Goliath indique à 21h45 son passage à la verticale de Lympne. A 21h50, les postes de Croydon et Pulham relèvent sa position à 2 milles au nord-est d'Ashford par recoupement goniomètrique. De 21h55 jusqu'à son atterrissage à 22h30, l'avion restera ensuite en liaison constante avec Croydon.


            Le 17 juin, Laurent-Eynac - qui doit apprécier la propagande faite par l'appareil - l'utilise pour participer au Rallye aérien qui renouvelle le Rallye "des 104 au 104" de l'année précédente et que l'Aéro-Club de France organise cette année-là au Touquet. Le Goliath est encore piloté par Jouy et Hernu.


            En juillet, le Goliath effectue un essai de navigation radiogoniométrique sur le trajet Sainte Assise - Melun - Tours et retour. A l'aller, l'erreur de route est de 2%, l'avion étant amené à 5 km au sud de Tours; au retour, il est ramené précisément sur Sainte-Assise. ,  En août 1923, le Goliath effectue de nouveau un tour de France en se guidant uniquement par radiogoniométrie. Parti de Villacoublay, il suit l'itinéraire Dijon, Lyon, Istres, Cuers, Istres, Toulouse, Bordeaux, Chartres, Villacoublay. En particulier, le navigateur assure le parcours Bordeaux - Chartres avec précision en se guidant sur la station de TSF de Bordeaux/La Croix d'Hins et en se positionnant grace aux stations TSF de La Doua, près de Lyon, et de Sainte Assise, près de Melun.

  


            La suite de la carrière de l'appareil est plus diffuse.


            Le 22 octobre 1925, un Goliath du STAé piloté par Jouy décolle à 8h00 de Villacoublay et se pose à Marignane à 18H00, après une longue escale à Lyon-Bron. Au cours de ce vol, le Cne de vaisseau Chalandre effectue des essais de liaison avec divers postes de télégraphie sans fil laissant supposer un appareil spécialisé dans les essais techniques. Les essais se poursuivent dans la région pendant une dizaine de jours. Cependant, si nous notons effectivement de nombreux vols d'expérimentation technique sur un Goliath du STAé après 1925, plusieurs sont donnés comme menés sur un Goliath-Lorraine, ce qui amènerait à supposer que le Goliath n°35 aurait été remotorisé.


            Quoi qu'il en soit, le sort final de l'appareil est inconnu.

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