Crezan
F190
Crezan
F190

F.197 n° 6 / 7269

F-ALGK


            En 1930, le diplomate, historien et chroniqueur Philippe d'Estailleur-Chanteraine décide de réaliser un tour d'Afrique avec le soutien du Comité de l'Entente Française qu'il préside.


            Son but est de "relier tous ces petits morceaux de patrie, éparpillés sur le continent noir ", de démontrer la possibilité d'utiliser des infrastructures et moyens existants pour relier les colonies entre elles et à la métropole et d'évaluer les lignes dont la création pouvait s'avérer utile.

            Il évoquera après la guerre les souvenirs de ses voyages africains de 1931 et 1932 dans un livre, Ciels d'Afrique.


            Pour assurer sa tâche, Estailleur-Chanteraine choisit d'utiliser un avion de série permettant de transporter 4 personnes, les bagages et un lot de rechanges, disposant d'un rayon d'action relativement important et capable d'utiliser des terrains de fortune : ce sera un Farman F.197 à moteur Lorraine 7 Me Mizar de 230 cv.


            Pour rassembler les fonds nécessaires, Estailleur-Chanteraine recherche des appuis, mais les mécènes de l'aéronautique de records comme Coty ou les services du Ministère de l'Air ne sont guère intéressés par une telle expédition, trop "modeste" techniquement. Il s'appuie donc sur ses amis du Comité de l'Entente Française, et sur son père, pour acquérir l'appareil et financer son projet.


            Durant l'année 1930, utilisant ses relations dans les sphères gouvernementales et le milieu diplomatique, Estailleur-Chanteraine prépare son premier voyage - un tour complet de l'Afrique - qu'il veut mener à bien pendant la grande Exposition Coloniale dont l'ouverture est prévue pour le 6 mai 1931 au Bois de Vincennes.


            Le F.197 acquis par le Comité de l'Entente Française est monté à Toussus-le-Noble en mars 1931 et enregistré le 10 avril avec le CdN 2063, le CdI 2751 et l'immatriculation F-ALGK.

            Le 1° avril, il est baptisé Paris le 1° avril 1931 par le Général Hergault, en présence du Général Ferdinand Levé et du baron Nicaise. Après la bénédiction donnée par l'abbé Bagard, la duchesse de Guise fait un vol à bord de l'appareil peint aux couleurs de la capitale, bleu et rouge.

            L'appareil a été soigneuesement préparé avec le soutien de Farman et de la S.G.A. dont Estailleur-Chanteraine deviendra ultérieurement administrateur général délégué. L'équipage composé par Estailleur Chanteraine comprend Fernand Giraud (pilote), le lieutenant-colonel Pierre Weiss (copilote) et le mécanicien Jean Mistrot. Ce dernier, recommandé par Weiss, est un ancien du 34° qui après avoir quitté l'armée s'est établi comme colon en Côte d'Ivoire et au Cameroun et connait donc très bien l'Afrique.

Le F.197 "PARIS" du Comité de l'Entente Française tel qu'il se présente au départ du Tour d'Afrique de Philippe d'Estailleur-Chanteraine en avril 1931. [© Michel Barrière]

Philippe d'Estailleur-Chanteraine aux commandes du F.197 "PARIS" en 1932. Derrière lui, se devinent les tuyauteries du réservoir supplémentaire de l'appareil [ww.bnf.gallica]


          ¤ 1932, "Ciels d'Afrique"

 

            Le départ est retardé par une difficulté administrative.


            Les autorités demandent en effet un allègement de l'avion qui emporte 550 litres d'essence dans les ailes et 350 litres environ dans un grand réservoir de cabine, ainsi qu'un réservoir d'huile dans le bord d'attaque de l'aile droite.


            Son poids au décollage - sans les bagages – atteint ainsi 2300 kg, alors que le poids total normalement autorisé est de 1800 kg. L'avion décolle finalement avec une charge réduite avec 600 litres seulement de carburant, ce qui lui imposera une escale supplémentaire en Espagne.

  


            Le 8 avril 1932, le Farman décolle du Bourget et passe le Perthus pour atteindre Alicante. Le 9, Giraud est contraint de se dérouter sur Los Alcazares, la pression d'huile étant tombée à zéro. Le lendemain, alors que l'équipage comptait se rendre directement à Rabat, la pression d'huile chute à nouveau, amenant le pilote à se dérouter sur l'aérodrome de Tanger puis, aprés réparation, le vol se poursuit vers Rabat où l'équipage est l'hôte du 37e RA.

            Le 10 mai, après déjeuner, le F-ALGK suit la côte vers le sud et se pose en fin de soirée à Agadir où Mistrot révise le moteur. Le 11, le "Paris" se pose à Port Etienne, accueilli par Lucas, chef d'escale de l'Aéropostale. Le lendemain, il est en fin de matinée à Dakar Ouakam.        

            Le 14, le F.197 survole Bathust puis Bolama et atteint Conakry en fin de soirée. Le 15, il rejoint Kankan; le 16, Abidjan. Le 17, une tornade oblige Giraud à se poser sur une plage de Grand Bassam peu après son décollage. Les voyageurs doivent attendre le lendemain pour repartir vers Accra puis Cotonou en milieu d'après-midi. Le 19, il ne rejoint Douala qu'à la tombée de la nuit, une panne de magnéto ayant contraint Giraud à se poser sur une plage entre Opodo et Eket où Mistrot a pu réparer.

            C'est ensuite Yaoundé le 21, Libreville le 22, Pointe Noire le 23, enfin Brazzaville le 24 malgré une épaisse brume qui l'oblige à passer par Boma après avoir fait demi-tour. L'équipage y est accueilli par le gouverneur général Alfassa, qui vient d'arriver de France dans le F.304 F-ALCA de Goulette.


            Le 30 avril, le F-ALGK reprend son vol mais, peu après avoir quitté Brazzaville, il se pose dans un champ de cannes à sucre pour éviter une tornade (selon certaines sources, il s'agirait moins glorieusement du mauvais choix d'un terrain pour la visite impromptue d'une installation sucrière). L'avion est gravement endommagé mais les dommages semblent réparables et le moteur ayant tenu, Estailleur-Chanteraine prend la décision de tenter la remise en état. Avec l'aide des ouvriers de la Compagnie sucrière située à 4 km, le Farman est démonté, chargé sur le train à Kevilu et ramené à Léopoldville.

            Compte tenu du temps nécessaire à l'obtention des rechanges, Weiss dont la permission se termine abandonne le voyage et rentre en France par bateau.

            Le 8 juin, Mistrot qui a remis l'avion en état avec l'aide de la SABENA reçoit les rechanges - hélice et train - pour terminer le travail. Deux jours plus tard, l'avion est remis sur ses roues. Les deux jours suivants sont consacrés aux essais et à la mise au point.

            Le 13 juin, reprise du voyage vers Luanda, puis Benguela le 14. Massamédès est atteint le 15, Walfish Bay le 16 et Le Cap le 17 où l'équipage fait une escale de trois jours, évaluant les relations commerciales possibles avec l'AOF et l'AEF. Le 20, une tempête l'oblige à se poser à Mossel Bay, n'atteignant Port Elizabeth que le 21.

            Remontant la côte orientale, le Farman passe à Durban le 22, Inhambane le 24 et Quelimane le 25. Après que la météo ait fait échouer sa tentative pour rejoindre Madagascar, l'équipage continue le 26 vers Zanzibar, puis Mombassa le 27, Mogadiscio le 28, Bender Cassim le 29 par 45° à l'ombre, et enfin, le 30 juin, Djibouti pour une escale de 3 jours .


            Le 4 juillet, la mission repart pour Massaoua, et le 5, après s'être posé sur un banc de sable pour laisser passer une violente tempête, il rejoint Port Soudan. Le 6, toujours sous vent de sable, le "Paris" repart. Giraud, obligé de descendre à moins de trente mètres tout en suivant la voie ferrée Port Soudan - Atbara, atterrit à Atbara après une courte escale à Souakin. Le 7, descendant le Nil, il se pose à Ouadi Halfa pour y ravitailler avant de poursuivre vers Assouan. Le 8, toujours en suivant la vallée du Nil, il arrive au Caire.

            Le 10, l'avion reprend sa route en direction de la Libye. Une consommation d'huile excessive incite l'équipage à effectuer une étape à Derna où Mistrot révise l'avion et répare la béquille cassée. Le lendemain, l'équipage, posé à Benghazi vers 10h00, veut poursuivre vers Syrte mais les Italiens déconseillent le décollage car un fort vent de sable souffle sur le golfe de Syrte. Le 12, l'avion arrive à Tripoli après avoir survolé Syrte.

            Il en repart le 13 et atteint Tunis - El Aouina après avoir survolé Djerba, Sfax et Kairouan. Le 14, il longe la côte algérienne avant d'atteindre Oran La Senia. Le 15, l'appareil boucle son tour d'Afrique à Tanger.

            Le 16 juillet, retour vers la France par Perpignan via l'Espagne. Le 17, décollant dans la matinée, le Farman évite le Massif Central complètement bouché et remonte la vallée du Rhône pour atterrir à 16h00 au Bourget où l'attendent de nombreuses personnalités.

Le F.197 "PARIS" reprenant le Tour d'Afrique après sa réparation fait escale à Saint Paul de Loanda le 13 juin 1931 [Coll Fernando Martins]

Arrivée au Bourget le 17 juillet 1931 [Coll Michel Barrière]

            Le F.197 "PARIS" de Philippe d'Estailleur-Chanteraine portant les étapes de son Tour d'Afrique de 1931. Pour ce vol, une gaine d'aération de la cabine est ajoutée sur  le toit.

            Mistrot commença à inscrire les étapes de haut en bas et en italique sur le flanc droit alors que l'appareil était en réparation sur cales à Léopoldville, puis cette liste est prolongée jusqu'au Cap, la remise de l'appareil sur roues amenant une rotation des lignes d'écriture.

            Les étapes du Cap à Paris furent ensuite inscrites en caractères d'imprimerie de bas en haut sur le flanc gauche. [© Michel Barrière]


¤ 1932, Djibouti - Dakar           


            En préparant son tour d'Afrique, Philippe d'Estailleur-Chanteraine s'était entretenu avec le Président de la République, Gaston Doumergue. Ce dernier fut particulièrement sensible au passage à Djibouti, jugeant que les français n'avaient pas une juste perception de l'importance politique et stratégique de la colonie et estimant nécessaire de confirmer cet intérêt par des investissements appropriés. Cet intérêt était partagé par Paul Doumer, alors Président du Conseil, qui considérait "Djibouti - Dakar, deux pôles français essentiels en Afrique."

            Lorsque, au retour de son Tour d'Afrique, Estailleur-Chanteraine rencontre Paul Doumer, devenu Président de la République, son prochain itinéraire est tout tracé.


            Son avion reste le F.197 Paris, révisé et modifié notamment par l'adjonction d'une longue prise d'air sur le toit pour améliorer l'aération de la cabine. Le fuselage porte maintenant la liste complète des étapes du Tour d'Afrique répartie sur une bande noire de chaque côté du fuselage.

            L'équipage, par contre, est modifié, Estailleur-Chanteraine devant renoncer à compter sur Fernand Giraud qui se marie. Mais, depuis son retour d'Afrique, Philippe d'Estailleur-Chanteraine a appris à piloter. En décembre 1931, il a commencé à prendre des cours à l'école Farman, obtenant son brevet en février 1932. A cette occasion, il a noué des liens avec son moniteur, Aimé Freton. et c'est à lui qu'il propose le poste de pilote. Mistrot participe de nouveau comme mécanicien.


            Le 15 avril 1932, dans la brume,  le Paris décolle à 14 h00, et descend par Lyon et la vallée du Rhône pour se poser à Perpignan - La Salanque à 19h00. Il repart le lendemain à 5h40, survole Barcelone puis Carthagène pour arriver à Oran à 10h40 et, après ravitaillement et paiement d'une taxe d'aérodrome inattendue, repart à 13h00, se posant à 18h00 à Tunis – El Aouina (2200 km) où l'employé leur refuse d'abord le ravitaillement, le message de la Shell n'étant pas arrivé.

            Le 17, il part à 8h00 pour une escale à Tripoli de 11h00 à 14h25; confronté à un fort vent de face, il se pose à Syrte vers 17h00. Dissuadés par les Italiens de repartir dans la nuit, ils ne reprennent leur vol que le lendemain, survolent Benghazi et se posent au Caire à 15h45, alors que la ville célèbre la fin du Ramadan (1650 km).

            Le ravitaillement effectué, Freton décolle dans la nuit à 02h40, fait escale à Assouan de 7h30 à 8h40 et atteint Massaoua à 16h35 (2250 km).


            Le 20, le Farman décolle au petit matin. Il transporte un passager supplémentaire, le journaliste Henri de Vilmorin, resté bloqué à Massaoua alors qu'il se rendait à Addis Abeba. Il atterrit à Djibouti à 10h15 (700 km), ayant parcouru 9000 km en 4 jours et 21 heures.

Le F.197 modifié pour son raid Djibouti - Dakar.

Une longue manche à air a été ajoutée pour améliorer l'aération de la cabine dont le Tour d'Afrique a montré l'insuffisance.

[www.gallica.bnf.fr]


Ce dispositif sera repris sur quelques autres appareils comme le F.291 F-ALFA utilisé par Malraux en 1934 pour survoler le Yemen. Sur le F.199, les fenêtres seront agrandies.

  

            L'équipage prévoit le départ de son raid vers Dakar pour la nuit du 21 au 22 avril. Le courrier embarqué, Freton tente de décoller, mais le terrain, miné par l'eau des salines, s'affaisse sous les roues de l'avion qui passe en pylône. Les dégâts sont limités à l'hélice, malheureusement sans rechange disponible. A 3h00, Mistrot se lance dans la réparation de l'hélice; il la redresse et, une extrémité ayant cassé, la raccourcit et l'équilibre en conséquence : à 11h00, un point fixe permet de constater l'absence de vibrations de l'hélice remontée.

            Le 23 avril à 2h40, le Farman prend son vol. Contournant par le nord le massif éthiopien, il fait escale à Massaoua de 6h50 à 9h00, puis rejoint Port Soudan avant de virer à l'ouest, survolant à 1200 m d'altitude Atbara, Khartoum puis Omdurman avant d’atterrir à El-Obeïd à 18h30, ayant parcouru 2250 km avec une température de 45° en cabine.

            Le 24, le Paris repart à 7h00 et survole El Fasher, puis Abéché, atteignant Fort Lamy à 17h45. Sur les 1700 km du parcours, Estailleur-Chanteraine a assuré la navigation au compas et au dérivomètre.

            Partis le 25 avril à 6h05, ils font escale de 10h35 à 13h35 à Kano pour marquer l'importance potentielle d'une étape au Nigéria britannique. Après ravitaillement, Freton décolle sur toute la longueur de la piste et prend péniblement un peu d'altitude dans l'air à 45°C avec une température d’huile qui atteint 135°.

            Après avoir passé la nuit à Niamey, atteint à 19h00 (1500 km), ils repartent le 26 à 5h00 du matin, survolant Ségou et Bamako pour se poser à Dakar à 17h05 au terme d'une étape de 2200 km sans escale, ayant parcouru 8800 km en 3 jours 14 heures et 23 minutes. Mistrot, qui conjugue une crise de paludisme et un point de congestion, est aussitôt envoyé à l’infirmerie, tandis que ses camarades passent la journée du 27 à Dakar, reçus le soir chez le Gouverneur général d’AOF.


            Ils repartent le 28 avril à 11h55 avec Mistrot, escortés un moment par L'Aigrette, c'est à dire le Potez 36 F-ALNZ que l’administrateur Louis Michel a ramené en vol de la métropole, et se posent à Port-Étienne à 16h55. Repartis le 29 à 6h15, ils atterrissent à Rabat – Salé à 17h30 après une étape de 1900 km.

            Le lendemain, ils décollent à 6h15, volant sous la couche à 50 m d'altitude jusqu’à Tanger. Evitant par l'est Madrid pris sous la pluie, ils survolent Barcelone à 12h15, passent Perpignan à 13h15, volant parfois à quelques mètres au-dessus de l'eau, avant de rencontrer une certaine amélioration. Le "Paris" se pose au Bourget à 18h25, ayant depuis Dakar couvert 4900 km en 55 heures et ayant parcouru au total, 22 500 km en 258 h 25 mn de vol.

Le F.197 "PARIS" au rallye d'Auvergne en juillet 1932 (numéro 24) L'appareil présente maintenant ses raids sur des cartes d'Afrique,

1931 à gauche et 1932 à droite.

[© Michel Barrière]


            A son retour, le fuselage du Paris est repeint et décoré de cartes d'Afrique présentant ses voyages, sur un flanc celui de 1931 et sur l'autre celui de 1932. Avec cette livrée, le Farman sert aux déplacements personnels et professionnels d'Estailleur-Chanteraine et Freton, qu'il s'agisse de vols dans la région parisienne ou de voyages comme celui qu'il fait de Paris au Havre le 14 février 1933 avec plusieurs de ses amis.


            Piloté par Estailleur ou Freton, l'avion participe également à de nombreux meetings. Le 5 juin 1932, il participe ainsi au meeting de Saint Germain, piloté par Estailleur-Chanteraine. Le 15 juin, il est l'invité de l'Aéro-Club de Touraine. Il participe ensuite au rallye d'Auvergne en juillet 1932 (sous le n°24), se classant 4° derrière 2 Puss-Moth et le F.190 de Portal.


            Au total, 5 F190 participent à ce meeting. Mais, cette année là, se révèle la qualité des appareils britanniques qui s'imposent devant les Farman 190 vainqueurs les années précédentes. Leur vitesse élevée de près de 200 km/h de moyenne leur permettent de réaliser des distance supérieures de 200 à 300 km à ce que font les meilleurs F190 (environ 1450 km). Le F-ALGK réalise pour sa part le parcours de 1485 km : Le Bourget – Angoulême – Deauville – Dijon – Clermont-Ferrand, avec Estailleur-Chanteraine, Freton, Mistrot et 3 passagers.

            En octobre 1932, le F.197 n°6, piloté par Freton et transportant Henry Chollat, l'organisateur du Tour de présentation des appareils nouveaux accompagne la manifestation. Y participent un Breguet 27 (pilote : Capitaine Dasque), un Caudron Phalène (pilote : Valot), un monoplan sanitaire Albert (pilote : Sergent-chef Goussin) et un Mauboussin (pilote : Sergent Nicolle).


            La caravane part d'Orly le 16 octobre pour Saint-Quentin, mais rentre le soir à paris, remettant au lendemain le passage prévu à Auxerre (16/10). Le 17, malgré une mauvaise météo, les appareils se posent à Nevers entre 10h45 et 12h30 (le Farman 197, puis le Caudron Phalène, l'Albert et le Breguet 27, le Mauboussin ayant fait demi-tour) avant de rejoindre Saint Etienne. Le 18, la caravane fait une escale de 3 heures à Aulnat avant de rejoindre Montluçon. Le 19, elle est à Angoulême, puis et le 20, à Chollet puis à Nantes où le Sous-secrétaire d'État à l'Air inaugure le terrain de Château-Bougon. Le 21, elle se pose à Tours, puis au Mans à 15h30. Le 22, après une escale au Havre, elle arrive vers 16h00 à Rouen, où d'Estailleur-Chanteraine la rejoint pour la dernière étape. Enfin, le 23, elle fait escale à Beauvais avant de revenir à Orly à 16h10.


            Le 30 octobre, le Paris participe à la Journée Nationale de l'Air à Lille, organisée par la Fédération Nationale Aéronautique.

            

Freton et le Paris en escale à Nevers pendant le Tour de présentation des avions nouveaux le 17 octobre 1932 [Coll Michel Barrière]

F-ALGK

F.199 n° 5 / 7269


            Le 8 juillet 1933, le Paris converti en F.199 reçoit on nouveau CdN. Outre le Lorraine 9 Na Algol remplaçant son Mizar, son fuselage est complètement refait avec les grandes fenêtres rectangulaires et une roulette de queue, tandis que les circuits d'essence notamment sont modifiés. Il est alors enregistré comme F.199 n°5.


            Philippe d'Estailleur-Chanteraine et Freton utilisent toujours très régulièrement le Farman. En juillet 1933, il effectue un trajet Toussus-le-Noble – Bordeaux – Chambéry – Toussus-le-Noble, suivi d'une liaison Toussus – Poitiers et retour pour participation au meeting de Poitiers. C'est ensuite un voyage Toussus – Chambéry – Toussus, puis Genève –Toussus-le-Noble – Chambéry en août. Le 25 août, il participe au meeting de Challes-les-Eaux célébrant l’ouverture des travaux du nouveau terrain d’Aix-les-Bains Chambéry en présence de Pierre Cot. Ce jour-là, Thoret qui effectue une démonstration de vol à voile, est gêné par la présentation d’une patrouille militaire; se posant au plus près du parking avions, il arrache dérive et gouvernail du F-ALGK. Ce n’est que le mois suivant que l’avion réparé rentre à Toussus-le-Noble pour repartir vers Marignane, Dijon, puis Bordeaux.

            En novembre 1933, Estailleur-Chanteraine devenu administrateur délégué de la S.G.A. rejoint Tanger et Rabat avec le F-ALGK pour accompagner le départ de la Croisière Vuillemin, et assurer la promotion des moteurs Lorraine. Accompagné par Freton, il quitte Le Bourget pour Istres le 8 novembre et ne revient que le 22 de Rabat. Ce régime de voyages entrecoupés de promenades se poursuit en 1934 et 1935. En juillet 1935, Estailleur-Chanteraine fait un voyage à Lisbonne, pays avec il entretient des liens particuliers.

            En 1935, Freton abandonne sa carrière de pilote : en août, Abel Guidez pilote Estailleur-Chanteraine pour un voyage Toussus – Genève.


            En 1936, Philippe d'Estailleur-Chanteraine projette un nouveau raid. Son choix se porte sur les Comptoirs des Indes, dont Franchet d'Espèrey dira en 1938 : "De l'empire français jadis fondé aux indes orientales, de bien faibles traces subsistent aujourd'hui [..]. À l'écart des routes maritimes qui joignent Marseille à l'Extrême-Orient, [..] cinq vieilles villes françaises refusent de mourir.. leur existence, leur progrès même est pour la Métropole une question non seulement de sentiment, mais d'intérêt national." Une mission diplomatique au Moyen-Orient vient étoffer ses objectifs.

            Son équipage est constitué du pilote Paul de Forges à peine remis de l'accident au cours duquel Finat a perdu la vie, du mécanicien Vernaz et du docteur Max Richou. Après quelques recherches infructueuses, rejetant les Caudron trop fragiles et trop chers ou une solution britannique, Estailleur décide de reprendre son F.199.

            

            Le 7 avril 1936, le "Paris", complètement révisé par Farman et Lorraine, débute son voyage dans le mauvais temps. Après une escale à Auxerre, de Forges tente de rejoindre Lyon-Bron dans la pluie et la brume, mais finit par se poser dans un champ, heureusement sans dommage. Burlaton de l'Aéro-Club du Rhône, qui connait évidemment la région, pilote à Bron l'appareil déchargé.

            Le lendemain, le Farman repart pour Marignane. Le 9, parti à 10h00, il traverse la Méditerranée vers Tunis El Aouina où il est accueilli par le colonel Davet, commandant de l’Air en Tunisie, et Pierre Weiss. Le 10, il rejoint Tripoli où l’équipage est reçu par Italo Balbo. Ils repartent le 11 pour Syrte, un fort vent de sable faisant chuter la vitesse à 80 km/h avant de tourner et de propulser l'avion à 220 km/h. L'atterrissage est difficile à Benghazi et les italiens doivent les aider pour amener l'avion à l'abri.

            Repartis le 12, ils effectuent les formalités douanières égyptiennes à Soloum, survolent Alexandrie où mouille la "Home Fleet" avant d’atterrir au Caire. Le 14, le Farman décolle à 8h50, survole Ismaïlia, le canal de Suez, Jérusalem. Alors qu'il se dirige vers Damas, Vernaz constate une baisse rapide du carburant. De Forges parvient à se poser sur un petit champ pour constater qu'il s'agit d'un tuyau d’essence bouché. La réparation est rapide, mais l'équipage doit décharger l'avion et dégager une piste pour permettre à de Forges de rejoindre Damas par les airs, tandis que ses compagnons le rejoignent par la route avec les bagages.

            Le lendemain matin, ils quittent Damas pour Bagdad. Le 16, Estailleur prend les commandes jusqu’à Bouchir. Les formalités douanières effectuées, l’avion piloté par de Forges repart pour Bender Abbas. Il en redécolle le lendemain à 5h45, faisant escale à Djask vers 8h30 pour ravitailler et rejoint Karachi à 14h35. C'est Estailleur qui pilote le lendemain matin, de Forges assurant la navigation jusqu'à Juhu, près de Bombay. Le lendemain, de Forges décolle du terrain exigu, puis met le cap à l’Est en direction de Pondichéry, faisant escale pour ravitailler à Secunderâbâd d'où l’avion a toutes les peines du monde à repartir dans l’air surchauffé.

            Volant à 220 km/h, il atteint enfin le golfe du Bengale, survole Madras et se pose le 22 avril à Pondichéry. Les voyageurs y sont accueillis par le Gouverneur général Solomiac devant une foule immense. Leur étape ne doit durer que quatre jours, mais l’équipage va rester deux semaines sur place, effectuant une liaison aller-retour avec Karikal le 27 avril, puis, deux jours plus tard, se rendant à Mahé par la route, aucun terrain n'étant possible dans cette petite enclave.

Le "PARIS" converti en F.199 n°5 en 1936 pour son voyage dans les Indes françaises et au Moyen-Orient. [© Michel Barrière]

Le retour de la mission à Paris en juin 1936.

De g. à dr., Vernaz, Max Richou, Ph. d'Estailleur-Chanteraine, de Forges et sa mère, la comtesse de Forges. Cette dernière sera particulièrement offusquée, considérant que d'Estailleur-Chanteraine tire la couverture à lui au détriment de son fils comme pilote de l'avion. [Coll Michel Barrière]


            Le 12 mai, le Farman s’envole de Pondichéry et rejoint Madras. Le lendemain, il remonte la côte, survole Yanaon, orbitant au-dessus de la ville pour saluer la population, puis, après un vol de 1 400 km, se pose à Calcutta sous l’orage. L'équipage y est accueilli par le maire de Chandernagor qui, compte tenu de la durée de leur séjour à Pondichéry, insiste pour les garder plusieurs jours.


            Le 19 mai, le Farman commence son voyage de retour, survolant le Bengale, Bénarès et après une courte escale à Allahabad, se pose à Agra dont il ne repart que le 21 pour Jodhpur où, à 10h00, il fait 58°C. Le 22, après un vol éprouvant en raison de la chaleur, l’avion rejoint Karachi. Les Britanniques leur refusent alors le survol de l'Afghanistan, toujours agité, alors que la mission prévoyait de valider la route de Kaboul via Kandahar. Après avoir attendu une semaine les autorisations de survol nécessaires pour passer par l’Iran, il rejoint Djask après un atterrissage impromptu pour cause de bougies encrassées et une escale à Gwadar.


            Le 30, le Farman rejoint Chiraz, à 1 500 m d’altitude. Le lendemain, au lever du jour, il monte difficilement à 3 500 m, ravitaille à Ispahan puis rejoint Téhéran pour un séjour d'une dizaine de jours. La mission repart le 12 à Ispahan ; le 13, l’équipage fait la connaissance sur le terrain de M. Schmidt, directeur de la mission américaine à Persépolis, qui arrive avec son Beechcraft et les invite à visiter les fouilles. Après déjeuner, le Farman franchit de nouveau le Farzistan et se pose à Bouchir pour ravitailler avant de rejoindre Bagdad pour une escale de deux jours.


            Le 16 juin à 5h35, la mission quitte l'Iran, survolant Palmyre avant de se poser à Alep. Le lendemain, une barre de nuages en Cilicie lui impose de faire demi-tour. Le 18, l’équipage décide de tenter d'atteindre Athènes d'un seul vol. Volant à 300 m d'altitude, il survole Alexandrette, met le cap au sud-ouest, évite les nuages qui s'accumulent sur la Turquie en passant sur la mer et, après 7 h 40 de vol, se pose à Athènes. Après une journée de repos, la mission s’envole le 20 pour Belgrade-Zemun et, le 21, atteint Budapest. Le 22, il reprend son vol à 10h30, survole Vienne et Strasbourg avant de se poser au Bourget à 18h50 au terme d'un voyage de 25 000 km.


            Ce sera le dernier grand voyage du "Paris" : en mai 1938, Philippe d'Estailleur-Chanteraine fait don de son Farman F.199 n°5 "Paris" au Musée des Colonies.

            

            Son sort ultérieur est inconnu.

Les Avions Farman

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F.193 n°2 F-ALGN