Crezan
F190
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F.190 n°49 / 7203

F-AJRY


            Sur le F.197 n°3, on note la présence sur le flanc gauche du fuselage de la tôle de protection propre à l'échappement du GR 5 Ba, montrant que la cellule d'origine était prévue pour la production d'un F.190. La cellule F.190 N°49 apparaît être la cellule ayant servi de base à la production de cet appareil, de numéro constructeur 7203.


            Une photographie parue dans Les Ailes met en évidence la dérive du F.197 n°3, F-AJRY, portant clairement l'inscription "n°1", alors que ce numéro est en principe celui du F.197 F-AJJK, détruit au retour de son voyage à Madagascar en janvier 1930.

            Une erreur ou l'utilisation d'une rechange peut être à l'origine de cette inscription, mais il semble que la cellule du F.197 F-AJRY ait été reconfigurée pour une version répondant à l'objectif spécifique d'un petit transport colonial à autonomie accrue avec deux spécificités : un fuselage adapté au moteur Lorraine : face avant circulaire et protection métallique plus enveloppante destinée à protéger le fuselage de la chaleur du collecteur d'échappement situé à l'arrière du Mizar, et une voilure dotée de réservoirs de carburant au bord d'attaque et un circuit de carburant adapté; les câbles de commande des robinets des réservoirs passent à l'extérieur du fuselage.

            Début août 1930, le montage de ce "F.190 de grand tourisme" se termine et l'appareil est aussitôt présenté au Service Technique par Lalouette ou Coupet. Recevant les CdN/CdI 2551 établis le 18 septembre 1930, le F.197 n°3 est enregistré au nom de Marcel Goulette

Le F.197 n°3 à Saigon - Bien Hoa en décembre 1930.

La numérotation de série (n°1) est bien visible à la base du gouvernail ; on ne voit malheureusement pas sur la photo l'identité de la version. [Les Ailes]

F.197 n°3 / 7201

F-AJRY

Le F-AJRY en essais en 1930 [Photos Michaud]


            Recevant les CdN/CdI 2551 établis le 18 septembre 1930, le F.197 n°3 est enregistré au nom de Marcel Goulette qui bénéficie, pour son achat, des primes d'État sur les avions de tourisme. L'appareil est équipé d'un Mizar prêté par la société Lorraine, grâce au baron de Turckheim. Il est peint en rouge et argent, livrée qu'il conservera pendant toute sa carrière.

            Pour les raids qu'il envisage, Goulette sera accompagné par Marcel Lallouette, pilote réceptionnaire chez Farman. Pour prendre en main l'appareil, tous deux font le samedi 6 et dimanche 7 septembre un aller-retour à Biarritz. Puis, afin de démontrer la robustesse de ce moteur, Goulette décide de réaliser un raid Le Bourget – Téhéran dès la certification de l'avion.


¤ Le Bourget - Téhéran


            Partis du Bourget le 19 septembre à 6h24 sous la supervision de Mr Gaubert, commissaire de l’Aéroclub de France, Goulette et Lallouette se posent à Bucarest à 17h30. Après ravitaillement, Lalouette redécolle à 22h45, descend plein Sud, traverse la mer Noire, puis la Turquie avant de bifurquer vers l'est en direction de la Syrie. Il pose le F-AJRY sur le terrain d'Alep le 20 à 8h00, reprenant l'air à 9h15 après un rapide ravitaillement. A la tombée de la nuit, ils décident de se poser en campagne à 100 km de Téhéran plutôt que de traverser de nuit la montagne dont certains sommets culminent à 3 500 m. Le 21, le Farman rejoint Téhéran en 35 mn, s'y posant à 5h45.

            Le voyage de 5200 km a été effectué en moins de 2 jours et en 29h45 de vol effectif, à la moyenne commerciale de 175 km/h. En signe de victoire, le lion de Perse est peint sur le capot de l'avion.

            Le 23 septembre, l'équipage fait un aller-retour à Ispahan où il est reçu par le consul de France. Le 25, Goulette et Lallouette repartent vers la métropole avec la valise diplomatique. A Rayak, ils sont reçus par le colonel Antoinat, commandant le 39e régiment d'aviation du Levant. Goulette en profite pour rendre visite à un beau-frère en poste à Beyrouth.

            Reparti le 26 au matin, le F-AJRY parvient à Athènes vers 11h00, première escale d'un voyage de propagande en Europe orientale pour présenter le F.197 à l'aviation locale. Le 30, il survole la Bulgarie et se pose à Bucarest où il est reçu par le colonel Palasse, attaché militaire de l'ambassade de France, et des personnalités roumaines. Le 2 octobre, ils repartent vers la Lituanie, survolant Varsovie. À 15h45, Lallouette pose le Farman sur le terrain de Kovno.


            Repartis le 3 octobre, Goulette et Lallouette trouvent le mauvais temps à Berlin. Lallouette pose impeccablement le F-AJRY dans un champ près de Nieder Ohmen, à 30 km de Giesen (Hesse). Sous des trombes d'eau, ils effectuent les formalités de douane, assistés par le comte de Solms Laubach. Le lendemain matin, l'avion, embourbé, ne peut décoller. Déchargé avec l'aide de la population, il rejoint le terrain de Giesen où l'attendent Goulette et les bagages.

            Le 6, profitant d'une éclaircie, l'équipage décolle, transportant le comte de Solms Laubach qui se rend à Paris. Après une halte à Francfort pour vérifier la météo, ils repartent à 12h45, arrivant sans problème au Bourget vers 16h00.

¤ Le Bourget - Indochine


            Dés leur retour, l'avion est vérifié. Le moteur ne montre aucune trace d'usure. Un réservoir supplémentaire est installé en cabine, portant la capacité totale à 1000 litres et le rayon d'action à 2500 km. Le 6 novembre, le Sous-secrétaire d'État Alcide Delmont et le député Outrey leur confient le courrier officiel et des lettres personnelles pour le Gouverneur Général Pasquier et M. Kranteimer, Gouverneur de la Cochinchine.

            

            Partis pour Athènes le 8 novembre à 1h15, Goulette et Lallouette rencontrent le mauvais temps sur le canal d'Otrante et reviennet à Brindisi à 12h15. Les Italiens s'opposant à tout départ nocturne (absence de balisage), ils repartent dès 15h30, sautent l'étape d'Athènes et atteignent Alep avant le lever du jour. Le personnel du 39e RA, réveillé par le moteur, allume le terrain et le Farman se pose à 3h25. Un bref repos, départ à 6h20, il survole Bagdad et se pose à Bassorah. Reparti à 22h15, l'équipage se pose à Djask de 6h15 à 7h10 pour compléter les pleins. À 12h30, il se pose à Karachi et se repose un peu avant de repartir à 21h50.

            Le 11 novembre à 6h25, il s'envole pour Calcutta atteint, avec un vent favorable à 10h55 après ravitaillement à Allahabad. Reparti à 18h35, l'équipage aperçoit Rangoon au lever du jour, puis survole Moulmein où il revient se poser, ayant trouvé le mauvais temps 200 km plus loin. Il en repart à 6h30, survole la côte jusqu'à Tavoy, et rallie Bangkok à 10h50, avec près de six heures de retard sur leur programme.

            À la pointe du jour, le F-AJRY décolle pour Saigon, passe vers le nord-est pour éviter le mauvais temps, survole la ville et se pose à Tan Son Nhut le 1° novembre à 11h50 (5h10 heure de Paris), soit 5 jours 3 h et 55 minutes (78h35 de vol) après le départ du Bourget.

... Arrivée à Saigon : un petit insigne au tigre de la 1° escadrille d'Indochine accompagne le Lion de Perse sur le capot ...

Lallouette, Goulette et le Gouverneur général Pasquier à leur arrivée au Bourget le 8 décembre 1930. [www.gallica.bnf.fr]

Au retour au Bourget, le tigre a été repeint et agrandi. Le gouvernail et la moitié gauche du plan fixe ont été repeints et toutes les inscriptions effacées : nous ignorons pourquoi .

[© Michel Barrière]

            Le gouverneur général Pasquier étant à Hanoï, Goulette et Lallouette décident de s'y rendre. Le 20 novembre, demi-tour dû au mauvais temps et ce n'est que le lendemain qu'ils se posent à Hanoï, ayant battu le record de vitesse sur la ligne Saigon - Hanoï en 7 h 15 mn de vol, record qu'ils battent à nouveau cinq jours plus tard et qui leur vaut une subvention de 10.000 francs du gouvernement d'Indochine.


            Le Gouverneur général Pasquier voulant démontrer le potentiel d'une liaison aérienne régulière entre France et Indochine décide alors de rentrer à Paris avec eux. Le départ est fixé au 1° décembre et à 0h16 (7h16), le F-AJRY s'envole de l'aérodrome militaire de Bien Hoa pour Bangkok, accompagné de 2 Po 25 de la 2° escadrille d'Indochine. Arrivés à Bangkok à 4h55, ils repartent à 6h10 et atteignent Rangoon à 9h45 (16h45).


            Leur passager n'ayant pas souffert durant cette étape, ils repartent à 23h10, font à 6h15 escaleCalcutta et se posent à 11h40 à Allahabad. Décollant à 18h55, ils atteignent Karachi en PSV pour une courte escale à 5h15, puis repartent à 8h00 pour Djask où ils se posent à 13h10.        

            Après un court repos, l'équipage décolle le 4 à 2h30 et se pose à 10h00 à Bassorah pour un changement de pneu. Dépanné avec un pneu de voiture, ils décollent à 19h30 pour un vol de nuit qui les amène à Alep le 5 à 3h30; ils en repartent à 8h30 pour se poser à 16h00 à Athènes. Le samedi 6 à 3h00, ils partent, se posant à Hyères à 15h30 pour se ravitailler en huile avant de rejoindre à 16h30 Marignane, tête de pont des liaisons d'Orient, où ils décident symboliquement d'arrêter le raid après un vol de 5 jours, 16 heures et 15 mn soit 72h15.

            

            Le lundi 8 décembre, ils rejoignent Le Bourget après un traditionnel survol de Toussus-le-Noble.


            En 1931, Goulette effectue un nouveau raid vers Madagascar avec le F.304 F-ALCA "Roux - Caillol - Dodement" pour démontrer la possibilité d'une liaison rapide avec un appareil de transport, objectif qui ne sera malheureusement pas atteint. Au retour, un problème moteur les oblige à se poser à Coquilhatville.

            Léon Challe quitte Le Bourget le 22 avril avec le F-AJRY chargé d'un moteur de rechange. Posé le soir à Biarritz, il repart le lendemain pour Madrid et Tanger. Il passe ensuite à Rabat (24/04), Agadir, Port-Etienne (25/04), Dakar (26/04), Bamako (29/04), Fort-Lamy (03/05), Bangui (06/05), enfin Coquilhatville où il rencontre d'Estailleur-Chanteraine et Giraud dont le F.197 F-ALGK est en réparation à Léopoldville. Il en repart le 16 mai, par Fort-Lamy (17/05), Gao (18/05), Saint-Louis du Sénégal (19/05). Passant à Tanger le 22 mai, il atteint Le Bourget le 23 mai à 14h50.


            Ne voulant pas rester sur le demi-échec de son vol sur le Farman F.304, Goulette décide de refaire un raid Paris - Madagascar. L'avion utilisé sera son F.197, converti en F.199 n°4.

F-AJRY

F. 199 n°4   [n/c 7203, AIR 2-1727]


¤ Paris - Madagascar


            Outre le remplacement du moteur Lorraine Mizar de 230 cv par un Algol de 300 cv, les modifications essentielles pour mettre l'appareil au standard du type sont faites : modification des circuits de carburant avec déplacement vers l'extérieur du fuselage des commandes des robinets de réservoirs, adjonction de raidisseurs entre le capot et la mâture. Le fuselage lui-même n'est pas modifié : les hublots sont conservés, et l'avion présente toujours la bande métallique protégaent le fuselage des F. 190 de la chaleur du tyau d'échappement..

            Le 15 septembre, Lucien Coupet essaie le F-AJRY ainsi converti. En novembre, André Salel remplace Marcel Lallouette, décédé en Espagne lors d'une tentative de record sur avion léger le 30 mai 1931, et effectue plusieurs essais sur le "F.197 300 cv ". Le changement de type du F.197 n°3 est enregistré, l'avion devenant le F.199 n° 4. Goulette le baptise "Marcel Lallouette" en souvenir de son partenaire et ami.

Le F.199 n°4 en mars 1932, après le record Paris - Le Cap. La tête de zébu sur la portière a été peinte à Tananarive lors du passage de l'avion en 1931.

La liste des raids est compléte :


PARIS - MADAGASCAR - ILE BOURBON

PARIS - TEHERAN - ATHENES - KOVNO - PARIS

PARIS - SAIGON - HANOI - SAIGON - MARSEILLE

PARIS - LE CAIRE - ROME - PARIS

LE BOURGET - DJIBOUTI - TANANARIVE - PARIS

LE BOURGET - LIBREVILLE - CAPETOWN


NB : Les carénages de roues étaient démontés pour le raid Paris - Le Cap.

[© Michel Barrière]


            Le 27 septembre à minuit, le F-AJRY quitte le Bourget, se posant à 9h20 à Tunis El Aouina. Repart à 9h50, il se pose à Syrte six heures plus tard. Décollage après un dîner rapide et un petit repos, survol de Benghazi où les Italiens, prévenus, ont allumé les feux, mais une fuite d'huile l'oblige à se poser d'urgence dans le désert à 40 km au sud-ouest d’Alexandrie. Ravitaillé en huile dans la soirée du 28, il rejoint le lendemain Le Caire où les mécaniciens de la RAF confirment que le moteur n'a pas souffert.

            Devant le retard accumulé, Goulette décide néanmoins de rentrer en France. Après escales à Alexandrie, Apollonia, Benghazi, Tunis et Rome, le Farman se pose au Bourget le 10 octobre vers 14h00.


            Goulette et Salel espèrent repartir en profitant de la lune d'octobre, mais la météo ne leur permet de reprendre le raid que pour la lune de novembre. Le 20 novembre, Goulette et Salel quittent Toussus à 13h50 et se posent à 16h40 sur la base de Lyon-Bron. Ils ne repartent que le lendemain à 14h05 pour se poser à 15h30 à Istres, point de départ du raid. Ils passent la journée du 22 à préparer l’avion.


            Les prévisions météorologiques étant bonnes, le "Marcel Lallouette" décolle le 23 à 4h00 pour sa seconde tentative. Après la Corse et la Sardaigne, il survole Tunis à 9h30 et se pose à 15h15 sur le terrain de Syrte. Tandis que l’équipage est reçu par les officiers italiens, l’avion est reconditionné par les mécaniciens de la Regia Aeronautica. Le 24 à minuit, ils repartent, survolant Benghazi à 3h10 puis montent à plus de 3000 m pour éviter un orage et, pendant plus de deux heures, dans l'obscurité, Salel pilote en PSV. Au lever du jour, le F-AJRY survole Le Caire avant de se poser vers 15h00 à Assouan.

            Reparti le 25 à 2h00 du matin pour Djibouti, le F.199 survole Port Soudan à 6h20, puis passe sur la mer pour éviter les vents de sable. Malgré un vent contraire après Massaoua, ils se posent à Djibouti à 14h00, avec un petit quart d'heure d'écart sur leur tableau de marche. Reçus par le Gouverneur général Chapon-Baissac, les deux hommes venus en trois jours de Paris, sont fêtés par la population. Trois heures de sommeil puis Goulette et Salel décollent à 23h15 avec un sac de courrier à destination de Madagascar.

            Après une escale de ravitaillement à 6h00 à Mogadiscio, l'équipage atterrit à 14h05 à Dar Es Salam. Le départ est difficile : avant de trouver un point de décollage satisfaisant, le Farman s'enlise deux fois, perdant un temps précieux. Prévoyant une étape de 2100 km sans possibilité de ravitaillement, l'équipage décharge l'appareil de toutes les rechanges et décolle à minuit, avec une heure de retard sur son tableau de marche. Il survole Mozambique à 6h00, puis, volant à 200 m d'altitude sous les nuages, l’îlot Chesterfield à 8h00 et, 25 mn plus tard, aborde Madagascar au cap Saint-André. À l’approche des hauts plateaux, Salel monte à 2000 m et se pose à Ivato à 11h27, après avoir prolongé son vol pour échapper à l'orage installé au-dessus de Tananarive.

            A leur arrivée, ayant emprunté la route est-africaine, plus courte de 1200 km que la ligne franco-belge, Goulette et Salel n’accusent qu’un retard de 30 minutes sur la feuille de route qu’ils s’étaient fixée, battant le récent record de Mœnch et Burtin. Leur temps de vol effectif est de 63h50.

 Goulette et Salel accueillis au Bourget par Henry Farman après leur record sur Paris -Madagascar [www.gallica.bnf.fr]


            Le premier geste de Goulette est de remettre le sac de courrier au représentant des Postes. Puis, accompagnés du capitaine Dire et du Gouverneur général Cayla, les deux hommes assistent à une réception donnée en leur honneur dans les hangars du camp d’aviation.


            Goulette, souffrant, se voit obligé de garder la chambre la plus grande partie du temps. Le 1er décembre, sa santé s'étant améliorée, Goulette décide le départ pour le lendemain.


            Leur voyage de retour débute le 2 décembre à 4h30 (heure de Greenwich), l'avion emportant 1500 lettres. Le cap Saint-André est franchi à 7h00, et Mozambique survolé à 9h20. Remontant la côte, l’avion se pose à 15h00 sur le terrain de Dar Es Salam.


            Le soir même, à 23h30, le Farman révisé décolle. Malgré le temps qui se dégrade sur Mombasa, il atteint Mogadiscio le lendemain matin à 6h50. Aidés par les Italiens, l’équipage ravitaille rapidement et décolle à 7h30. Ralenti par un vent contraire, il ne se pose qu'à 15h20 (heure de Greenwich, 18h30 heure locale) à Djibouti.


            Reparti le 4 décembre à 3h10, le Farman survole Massaoua à 6h35, Port Soudan à 9h30, pour se poser à Assouan à 14h05 où un officiel égyptien leur présente des félicitations officielles. L’avion ravitaillé, l’équipage prend un bref repos et redécolle à 23h30. À 4h35, ralenti par un fort vent de face, l'avion survole les pyramides, ayant couvert la distance en 5h25 contre 3h40 à l'aller. Ne pouvant atteindre Benghazi par manque d'essence, il se pose à Apollonia à 11h45.


            Ravitaillement rapide et repas pris à la hâte, l’équipage repart. Pour ne pas risquer un atterrissage nocturne à Syrte, ils font halte à Benghazi à 14h00, y trouvant René Lefèvre et son Mauboussin en route pour Madagascar. Le départ est prévu à minuit, mais la forte pluie incite l'équipage à se recoucher.

            Le 6 décembre à 6h30, Salel décolle, volant au ras des flots sous la pluie. Le temps s'améliore sur Syrte, passée à 8h30, Tripoli est survolé à 10h30, puis l'avion se pose à Tunis à 14h00. Goulette, qui a pris froid, doit s'aliter. Remis sur pied par une abondante série de ventouses, il repart le lendemain à 5h45. Traversant la Méditerranée, le Farman survole Cagliari vers 7h15, Ajaccio à 8h50. Le temps se dégradant, Salel passe la côte française au ras des flots entre Toulon et Marseille, survole Marignane, puis remonte le Rhône se posant à Lyon-Bron à 13h00 pour permettre à Goulette d'aller chercher la météo et redécolle à 13h05 avec une prévision favorable.

            Après un vol tranquille, le Farman se pose au Bourget à 15h30 au terme d'un voyage de 5 jours et 11 heures et un temps de vol effectif de 62h10.

¤ 1932 :  Paris - Le Cap


            En janvier, Goulette et Salel se rendent à Nancy avec le F-AJRY.

            Dès le début de l'année, Goulette et Salel ont pris la décision de tenter le record détenu par l’Écossais Mollison sur la route du Cap. Le 16 avril à 17h00, l'avion est mis en place au Bourget. Le dimanche 17 avril à 5h25, ils s’envolent avec la provision d’essence nécessaire pour couvrir 2300 km, survolent Oran à 14h00 et, malgré un fort vent de sable, atteignent Colomb-Béchar (2300 km) à 17h10 pour la nui, le survol du désert étant interdit de nuit et le vent de sable persistant.


            Le lundi 18 à 6h10, le Farman s’envole à destination de Niamey. A Bidon 5, le vent de sable oblige Salel à monter à 2000 m tandis que Goulette navigue au compas. A Gao, suivant le Niger, Salel poursuit sur Niamey où il se pose à 18h30 (2100 km). Il décolle à 23h00 et se pose le 19 à 11h50 à Libreville pour ravitailler. Reparti à 13h30, il se pose à Pointe Noire à 17h40.

            Court repos avant la prochaine étape de 3300 km. Reparti dans la soirée, l'équipage se pose le 20 à 13h50 à Walfish Bay, ravitaille et repart à 15h40 pour Le Cap où il se pose à 23h40 sur le terrain de Wingfield, éclairé par des phares de voiture, après un voyage de 3 jours, 19 heures et 15 minutes. 2000 personnes les y attendent : le record de James Mollison (4 jours, 17 heures et 19 minutes) est battu de près d'une journée.

            Le dimanche 24 à 7h55, le "Marcel Lallouette" repart et se pose à 15h40 à Walfish Bay. Reparti le 25 à 5h00, il se pose à Pointe Noire à 16h45, puis, le 27, parcourt 300 km, se posant à 10h30 à Brazzaville, accueillis par le Gouverneur général Alfassa, passager l’année précédente du Farman F.304 F-ALCA de Goulette.

            Pendant leur séjour, l'équipage remonte le Congo pour repérer l’endroit le plus propice à l’édification d’un pont entre les territoires français et belge. Le 30 avril à 14h00, le F.291 F-ALUI qui ramène Maryse Hilsz et Dronne de Madagascar se pose à Brazzaville. Les deux équipages décident de voyager de concert pour pouvoir se retrouver et dîner ensemble chaque soir.


            Le 1° mai, Goulette et Salel décollent à 8h10 et se posent à 11h00 à Pointe Noire, transportant le Gouverneur général Alfassa et Lombard, Directeur du service des Mines. Le 2 à 6h40, le Farman décolle de Pointe Noire pour se poser trois heures plus tard à Libreville où Alfassa se rend à une commission médicale avant de revenir en congé de convalescence dans la métropole. Maryse Hilsz et Dronne les y attendent.

            Le 3, décollant à 7h00, les deux Farman rejoignent Ilorin, au Nigéria Britannique, à 13h45. Repartant le 4 à 6h40, ils sont à Gao à 12h30. Puis le lendemain, ils décollent à 8h05 pour se poser à Reggan à 15h40, repartent le 5 à 6h20, atteignant Oran la Senia à 12h40. Le 7 mai enfin, ils quittent Oran à 4h55 et font un arrêt-éclair au Bourget à 15h20 avant de repartir pour Bruxelles où ils atterrissent à 16h50 pour remettre un sac de courrier du Congo Belge dont ils étaient chargés, repartent à 17h55 et sont de retour au Bourget à 18h55.

  

Goulette et Salel devant le F.199 n°4

L'appareil porte maintenant la liste des records complété par Paris- Le Cap.

Révélateur de l'origine F.190 de la cellule : le bandeau métallique installé pour protéger le flanc du fuselage de la chaleur de l'échappement du GR5Ba est toujours présent.

[www.gallica.bnf.fr]

            La liste des voyages portée par l'appareil est alors totalement repeinte et complétée.          


            Dix-huit jours plus tard, le 25 mai, le F-AJRY s'écrase sur le mont Ernici, près de Véroli, en Italie, tuant ses deux pilotes, Marcel Goulette et Lucien Moreau et leurs passagers : le couple Lang – Willar, survivant de la catastrophe du paquebot "Georges Phillipar", qu'ils étaient allé chercher à Brindisi.

            Les corps ne sont retrouvés que le 27 dans les débris éparpillés de l’avion.


            Rapatriés en France dans la nuit du 5 au 6 juin, les dercueils de Goulette et Moreau reçoivent un hommage national dans le grand hall de la gare de Lyon à Paris.

Les Avions Farman

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F.19O n°50 F-AJRV