Crezan
F190
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F190

F.190 n°6 / 7115

F-AIYD


            La Société pour le Développement de l'Aviation Commerciale française (SODAC) est créée le 7 août 1928 avec un capital de 1.600.000 Frs. Ses actionnaires sont les 7 grands réseaux de chemin de fer, le groupement de l'automobile, du cycle, de l'aéronautique et des transports, la Chambre de Commerce de Lyon, le Groupement des industries métallurgiques et minières, le Comité des Forges, les Compagnies de Navigation Maritime (Messageries Maritimes, Sud-Atlantique, Chargeurs réunis) et M. André Michelin. Elle est présidée par M. Riboud, directeur général des Chemins de Fer de l'Est.

            Son but est d'étudier une liaison aérienne transversale entre deux grands nœuds de trafic, avec un double essai de service aérien postal et de service de nuit (lettres, colis postaux, colis de messagerie). La Compagnie Aérienne Française (CAF) est chargée par la SODAC de la réalisation des services aériens expérimentaux.


            Le 3 octobre 1928, la CAF commence l'étude en réalisant une liaison Bordeaux – Genève avec escales à Aulnat et Lyon. Le trajet définitif sera jalonné de repères lumineux et de phares hertziens sur le parcours Bordeaux – Angoulême – Limoges – Clermont-Ferrand – Lyon – Genève.


            Le service définitif est prévu avec des avions trimoteurs de faible puissance en cours d'étude et de développement sous contrat de l'État et dont les prototypes seront mis à la disposition de la SODAC. On considère en effet que le vol de nuit ne peut être envisagé qu'avec des multimoteurs capables de voler à 2000 m d'altitude avec un moteur arrêté. Quatre appareils sont en construction : deux trimoteurs monoplans métalliques de la SPCA équipés de Salmson 120 cv et deux monoplans en bois réalisés par Nieuport-Astra et équipés de Salmson 95 cv.


            Le F.190 n°6 est sans doute mis en production à la fin 1928. Coupet effectue sa réception devant le bureau Veritas le 12 mars 1929. Le 15 mars, ayant reçu le CdN / CdI 2042, l'appareil est enregistré à la S.G.T.A. avec l'immatriculation F-AIYD sous le numéro AIR 2-1233. Il porte la livrée Farman définitive, le nom de la société figurant sur le capot. L'appareil est doté de réservoirs d'une contenance totale de 355 litres et d'une hélice Chauvière type 5120. Prévu pour le service postal, il ne possède pas de chauffage cabine.

Le F.190 n°6 en mars 1929 à Toussus-le-Noble [Coll Michel Barrière]


            Dès sa réception, le F.190 n°6 est loué à la CAF, volant le 6 avril aux mains de Leplâtre. Il est ensuite basé à Lyon, son pilote habituel étant Bouthier. L'étude de la liaison Bordeaux – Lyon – Genève sera menée par Bouthier, basé à Lyon, et Obrecht, basé à Bordeaux.

            La CAF a prévu de débuter le service entre Genève et Montluçon avec le F.190 et des Nieuport 390, le trajet restant s'effectuant par le train. Venu de toute l'Europe, rassemblé à 17h20 et partant à 18h05 de Genève, le courrier sera à 18h55 à Lyon, à 20h10 à Clermont-Ferrand, à 21 h00 à Montluçon. Embarqué sur le train, il parviendra à 6h35 à Bordeaux. Dans le sens inverse, parti à 21h35 de Bordeaux, il est à 5h07 à Montluçon l'avion décollant à 5h30. Il est ensuite à 6h05 à Clermont-Ferrand, 7h20 à Lyon, 8h40 à Genève. A 9h20, il reprend l'avion pour Zurich, Stuttgart, Leipzig, Berlin, Munich, Vienne, Budapest, Bucarest, Sofia et Constantinople.


            L'ouverture de la ligne est prévue le 3 mai, à l'occasion du Salon Aéronautique de Genève.

            Le 26 avril, Bouthier effectue un parcours d'essai Genève – Montluçon et retour. Le 30 avril, il est en place à Cointrin en vue de l'inauguration officielle. Cette dernière se déroule le 4 mai, pendant le Premier Salon Aéronautique de Genève en présence de M. de Marcilly, ambassadeur de France, et de représentants des diverses compagnies déjà présentes sur l'aérodrome de Cointrin.


            En août, le Farman n°6 passe sa visite à 119 h à Lyon. En octobre, il est toujours affecté à la SODAC et son Titan marque déjà 250 h de fonctionnement. L'exploitation de la ligne par la CAF cesse le 6 octobre 1929. La régularité d'exploitation a été de 95%. Il n'y a pas eu de blessure à déplorer malgré plusieurs atterrissages de nuit. La vitesse commerciale moyenne, de 158 km/h pour les Nieuport 391 (Lynx), a été de 165 km/h pour les Farman. En décembre, le journal "Les Ailes" indique que "le balisage de la ligne Genève – Lyon – Clermont-Ferrand – Bordeaux se poursuit très activement. Tout laisse prévoir que le parcours sera opérationnel pour le début de 1930".


            Malgré cette assurance, le projet est abandonné peu après. L'étude a révélé que fret et courrier sont insuffisants pour rentabiliser l'exploitation ; même lorsque la société transportera tout le courrier, la charge ne dépassera pas 50 kg alors que 300 kg auraient été nécessaires pour couvrir les frais. Pour atteindre l'équilibre, il aurait en fait fallu tripler la rémunération prévue par la Poste.


            La SODAC envisage alors de transférer son activité sur Paris- Marseille, mais ce changement s'avére impossible du fait des accords déjà passés par le Ministère. La dissolution de la SODAC est prononcée en décembre 1933.

Chargement du courrier dans le F.190 n°6 à Genève-Cointrin [Coll Jack Meaden]

Le F.190 n°6 de la SODAC à Lyon-Bron [Coll Michel Barrière]

Le F.190 n°6 en 1929 en service à la CAF dans la livrée de la S.G.T.A.

[© Michel Barrière]

            Début 1930, le F-AIYD est remis à la disposition de la S.G.T.A. Lallouette le pilote pour transporter le ministre Laurent-Eynac au rallye du Havre en juin, mais l'avion ne vole que peu de temps sur les Lignes Farman.

            En octobre 1930, il est enregistré à la Compagnie Aérienne Française (CAF) et basé au Bourget où il passe une visite en novembre.                  

            En août 1931, il passe sa visite annuelle à 282 h après avoir reçu les modifications standard (renforcement des ferrures de l'aile et doublement des câbles de commande).


            ¤ 1932 : 2° Tour de France des Avions de Tourisme


            En 1932, le F-AIYD, peint dans la nouvelle livrée des "avions jaunes" de la CAF - chocolat et bouton d'or - participe à la seconde édition du Tour de France des Avions de Tourisme organisé par l'Union des Pilotes Civils de France (UPCF) et Le Journal. Piloté par Pomey assisté du mécanicien Lesparre, il est l'un des avions officiels, désigné comme avion "A"; avec l'avion "B", Potez 32 F-AMAN, ils se partagent les commissaires de l'UPCF. Le F-AIYD emporte ainsi MM. Hamel et Leduc, ainsi que Berliat, commissaire spécial à la police de l'air, tandis que le Potez piloté par Raymond Parant transporte les commissaires jean Cailleux et André Boulat, ainsi que le journaliste Joseph Levitan. Du fait du rôle officiel de leurs passagers, ces deux appareils sont amenés à effectuer des étapes différentes de celles des concurrents. Le directeur du tour est Haegelen, président de l'UPCF.

            Au moins trois autres F.190 accompagneront ce Tour : il s'agit du n°17 F-AJDC de la CAF piloté par Obrecht et transportant l'orchestre Alexander de la Columbia; du n°43 F-ALMV d'Avignon assurant le transport de journalistes et, très partiellement, du F.291 n°4 F-ALUI de Maryse Hilsz.

  

  • Samedi 4 juin :après un départ retardé par des inquiétudes sur la météorologie, la première étape ORLY-Poix-Abbeville- BERCK se déroule plutôt bien malgré la brume. Après un arrêt à Berck, le F-AJDC poursuit son vol jusqu'à Reims où il passera la nuit.

  • Dimanche 5 juin : la seconde étape BERCK - Reims - LUXEUIL est contrariée par de gros orages rencontrés par les concurrents l'après-midi. Le F-AIYD pour sa part continue son vol vers Lyon, mais se pose finalement à Mâcon à la nuit tombante.

  • Lundi 6 juin : le mauvais temps persistant à Luxeuil, Haegelen décide de retarder le départ au lendemain. Le F-AIYD qui a passé la nuit à Mâcon repart vers Cannes. Il fait escale à Lyon où se pose aussi le Potez 32 qui, également pris par la nuit, avait fait escale à Dijon avant de repartir vers Avignon. Quelques heures plus tard, pris par le vent au moment de son atterrissage à Avignon, le Po32 décroche et s'écrase à proximité du terrain, pilote et passagers perdant la vie dans l'accident. Le F-AIYD pour sa part rejoint directement Cannes où ils apprennet la triste nouvelle.

  • Mardi 7 juin : les concurents effectuent sans encombre l'étape LUXEUIL - Lyon - CANNES où le tour se regroupe et est rejoint par Maryse Hilsz venant de Limoges sur son F.291 et qui repartira dès le lendemain pour Biarritz. Le F-AIYD transportant Bouriat comme seul passager fait dans la matinée un aller-retour à Avignon.

  • Mercredi 8 juin : après avoir profité du soleil toute la matinée, les concurrents repartent en début d'après-midi pour une courte étape CANNES - MONTPELLIER.

  • Jeudi 9 juin : les appareils décollent de Montpellier-L'Or pour une étape MONTPELLIER - Toulouse - Pau - BIARRITZ qui se déroule sans problème majeur. Sur les 55 concurrents partis d'Orly, 51 sont encore présents au décollage de Biarritz-Parme.

  • Vendredi 10 juin : jour de l'étape atlantique BIARRITZ - Bordeaux - Rochefort - Luçon - LA BAULE. A Rochefort, un avion officiel transportant des commissaires - parfois donné comme un F.190 de la CAF - fauche au roulage l'arrière du Po36 F-ALMO de Pegulu de Rovin, l'éliminant ainsi du Tour. Si la critique de "l'impéritie" du pilote est générale, son identité est discrètement tue. Cependant le seul F.190 officiel de la CAF serait a priori notre F-AIYD ... (?)

  • Samedi 11 juin : Etape  LA BAULE - Le Mans - DEAUVILLE, sans soleil à travers les nuages bas. 

  • Dimanche 12 juin : dernière étape : DEAUVILLE - BUC. 47 concurents sur les 55 du départ sont régulièrement classés.


      

En octobre 1932, le F-AIYD passe sa visite avec 367 heures de vol.

Le F.190 n°6 aux couleurs de la CAF décoré aux marques de la firme "Columbia" pour le Tour de France des avions de tourisme en juillet 1933. [© Michel Barrière]


          ¤ 1933 : 3° Tour de France des Avions de Tourisme


            En juillet 1933, il est affrété par la société de disques Columbia pour participer au troisième Tour de France des avions de tourisme. Il reçoit pour l'occasion une décoration spéciale pour la publicité de la marque dont il transporte l'Orchestre de jazz Alexander qui accompagne le Tour de France des avions de tourisme. Le 2 septembre, il passe sa visite annuelle à 436 h.



            Les difficultés de la Compagnie Aérienne Française, confrontée à une concurrence croissante, augmentent rapidement. En 1936, plusieurs de ses appareils sont saisis.

            En décembre, c'est le cas du F-AIYD. Il ne revolera plus, probablement réformé, vendu et démantelé en 1937.

Les Avions Farman

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F.19O n°7 F-AIYR