Crezan
F190
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F190

F.190 n° 4 / 7113

F-AIXQ


            Le 4 octobre 1928, Jean Dagnaux crée la Compagnie Générale d'Aviation "Air Afrique" (C.G.A.A.A.), filiale de Gnome-Rhône. La commande et la production du F.190 n°4 interviennent aussitôt. Marcel Lallouette effectue les essais de l'avion avant sa réception devant le bureau Veritas.

Le 24 janvier 1929, le F-AIXQ est enregistré à la C.G.A.A.A. avec le CdN / CdI 2016. Peint en argent, l'avion porte sur son capot la dénomination "Air Afrique".


            L'appareil possède la dérive longue qui est désormais le standard de la série. Il comporte en outre deux modifications de la configuration de série : la hauteur des vitres latérales du poste de pilotage est légèrement augmentée, affleurant l'aile, et la porte de la soute à bagages se situe un peu plus haut sur le fuselage.


            La contenance des réservoirs d'ailes, de 355 litres d'après Veritas, donne à l'avion une autonomie de six heures et lui permet d'effectuer des étapes de 1000 kilomètres environ. L'hélice est une Chauvière type 5120 en bois blindé. L'appareil est équipé de 2 compas Vion - un pour le pilote et un en cabine - et d'un dérivomètre Philippe construit par Vaucanson.


            Pour ce premier voyage africain d'un F.190, la température d'huile est probablement une préoccupation, car une fente d'aération a été ajoutée sous le capot moteur de l'appareil, à l'emplacement du réservoir d'huile. Elle s'avèrera sans doute inutile, car aucun exemplaire ultérieur ne reprendra cette modification.

            Farman apparait comme partie prenante significative à ce voyage d'études, ne serait-ce que par le prêt de son pilote maison Marcel Lallouette : le nom de la marque décore la dérive de l'appareil.


            Air Afrique a pour but d'établir la ligne Belgique - Paris – Lac Tchad – Congo Belge – Madagascar. La concurrence est à l'oeuvre : Latécoère s'est déjà largement impliqué et prépare aussi une liaison vers Madagascar, son pilote, Poulin, effectuant des vols de reconnaissance transahariens.


            Dès sa création, Air Afrique lance donc une mission d'étude pour compléter les éléments déjà rassemblés par Dagnaux. Le chef de mission, Paul-Louis Richard, directeur technique de la compagnie, est chargé de reconnaître le parcours saharien, notamment le tronçon Niger – Tchad (soit Gao - Fort Lamy par Zinder) que les précédentes missions de Dagnaux n'ont pas complètement mis au point.

Le F.190 n°4 modifié pour sa mission africaine [© Michel Barrière]

Le F.190 n°4 en sortie de production [© Michel Barrière]

Le F.190 n°4 F-AIXQ à Toussus-le-Noble en janvier 1929, avant son départ pour l'Afrique. [L'Aérophile]

Le F.190 n°4 au Bourget : carte publicitaire servant curieusement pour la promotion du service Paris - Bruxelles des Lignes Farman

[Coll Michel Barrière]

            Piloté par Lallouette, le F-AIXQ décolle de Paris le 29 janvier à 9h45 avec, à son bord, Paul-Louis Richard et le mécanicien Julien Cordonnier. La vague de froid qui sévit en Europe en ce mois de janvier 1929 leur impose une étape impromptue dès 11h30 sur l'aérodrome de Parçay-Meslay (Tours) dont ils repartent à 11h00 le lendemain pour se poser à Cazaux à 14h20. Le 1° février, après un décollage à 09 h45, ils traversent les Pyrénées dans la neige. Poursuivant le vol en Espagne dans le mauvais temps, ils arrivent à Madrid en 3h50. Le F-AIXQ fait ensuite escale à Daimiel le 2, Séville puis, après escale à Fez le 3, arrive à Oujda le 5, Oran le 6.


            C'est alors que commence vraiment le voyage d'études. A Colomb-Béchar le 7, ils rencontrent le Maréchal Franchet d'Espèrey qui effectue un voyage au Sahara, piloté par le colonel Vuillemin. Le Farman repart le 8, ravitaillant à Adrar de 15 à 16 h avant de se poser à Reggan. Il y séjourne 2 jours pour permettre à Cordonnier d'effectuer une révision avant la traversée du Sahara qu'il effectue le 10, sans grande difficulté, en suivant des pistes assez visibles. L'équipage atteint Gao à 17h10 après 8h15 de vol. Il y retrouve Franchet d'Espèrey, arrivé à 15h00 de Bidon 5 avec une Renault 10 cv de la Compagnie Générale Transsaharienne. Depuis son départ, le Farman a effectué 39 h15 mn de vol.


            Le Farman repart le 12 à 8h30, suivant le Niger vers Niamey, atteint Dosso et Tessaoua le 13, Zinder le 14, y séjournant le 15. Le 16, il passe à l'est du lac Tchad faisant étape à Maine-Soroa et N'Gouri. Enfin, il rejoint Fort Lamy le 17. Le seul souci du voyage aura été la forte chaleur avec une température d’huile atteignant parfois 105°C.

            Après une pause de 12 jours, la mission prend le 2 mars le chemin du retour par le Nigeria - Maiduguri le 3 et Kano le 4 - avant de retrouver Niamey le 5 et Gao le 6. Elle en repart le 8 pour Elouit et Reggan avec une traversée du Sahara de 7h50. Le 9, l'avion fait escale à Timimoune avant de rejoindre El-Goléa le 10. A 40 km au sud de Ghardaia, Lallouette doit se poser par suite de l'encrassement simultané de deux bougies -  seul incident du parcours - avant Laghouat le 11 puis, le 12, Alger où la mission fait une escale de 9 jours. Cordonnier, tombé malade à Alger, rentrera par bateau. Le Farman repart pour Oran le 21. Après avoir fait demi-tour par suite du mauvais temps, il repart le 22 pour Oran, s'y posant à 11h55 pour en redécoller à 15h25 vers Taza. Après Fez le 23, il est à Tanger le 24 et à Lisbonne le 25. Le 28, il fait une longue étape vers Burgos, puis rejoint Poitiers à 19h10. La mission revient enfin au Bourget le 29 à 15h05, ayant parcouru 14.060 kms en 18h.40 de vol.


            Deux C.59, pilotés l'un par Louis Couhé, chef de cabinet du Ministre de l'air, et l'autre par le commandant Fieschi transportant Louis Kahn, directeur adjoint de ce même ministère, décollent du Bourget pour l'accueillir.

            Le rendez-vous est fixé à 1000 m d'altitude. Les C.59 tournent en vain pendant deux heures à 1500 m d'altitude au-dessus de Toussus : le Farman est passé sous la couche de nuages à moins de 500 m d'altitude.

Le F.190 n°4 sous un hangar à Gao [L'Intransigeant]

A Colomb Bechar, devant le F.190 n°4, Franchet d'Esperey échange avec Richard, Lalouette et Cordonnier.

            Lalouette aurait immédiatement utilisé un F.190, qui pourrait être ce même appareil  pour rejoindre Lisbonne, où il présente en vol le 3 mai, F.190 n°10 C-PAAD avant de le remettre au pilote de la SPELA, Pais Ramos. Le 5 mai avec son mécanicien Train, Lallouette réalise en une seule étape de 9h30 mn la liaison Lisbonne - Paris pour rejoindre le meeting de l'Union des Pilotes Civils, grâce à l'autonomie accrue de son appareil - ce qui nous fait supposer que ce pourrait être le même, malheureusement aucune preuve ne nous permet d'identifier sûrement l'appareil utilisé.


            Le 5 juillet 1929, la CGAAA prend la dénomination de Compagnie Transafricaine d'Aviation (C.T.A.) avec un capital de 6.000.000 francs détenu à parts égales par Gnome-Rhône et l'Aéropostale. L'État accorde à la nouvelle compagnie une concession de 15 ans pour opérer sur les routes entre la France, le Congo et Madagascar.


            En juillet 1929, au cours d'une mission organisée par la Compagnie, le F-AIXQ assure le transport de M. Lecerf, Directeur de la Compagnie Transsaharienne à Reggan, ébouillanté par un radiateur d'automobile. Ses brûlures prenant un aspect inquiétant, le médecin appelé d'Adraz exige un transport immédiat à Colomb-Béchar. Au lieu de deux journées de piste, M. Lecerf fait le voyage en quatre heures, assis dans l'avion sans aménagement spécial, à l'abri de la chaleur et du sable; quelques jours après, il est hors de danger.

            En août 1929, le F.190 n°4 fait l'objet d'une visite au Bourget ; puis en octobre, à Alger à 108 h de vol.

            En décembre, Poulin effectue une mission de trois semaines au Tchad accompagné du mécanicien Merignan pour inspecter les bases en cours d'installation. Parti d'Alger pour Reggan le 16 au matin, il décolle le 18 de Reggan à 6h50 et se pose à Gao base à partir de laquelle il rayonne sur le Tchad. Arrivé le 19 à Zinder, il atteint Fort-Lamy le 20. Le 2 janvier 1930, il repart de Gao pour prendre le chemin du retour par El Laouït, Reggan, Laghouat. Le 5 janvier, il en décolle à 7h30 pour se poser à Maison-Blanche à 10h00.



            Ce succés du Farman 190 est néanmoins temporaire. La compagnie qui bénéficie de l'expérience de l'Aéropostale juge le type F.190 trop fragile pour une utilisation régulière dans les climats tropicaux et choisit de privilégier lees appareils métalliques. Après l'arrivée du Laté 25 F-AIHF en octobre 1930, le Farman F-AIXQ est relégué à un rôle de second plan.

            La visite réalisée en novembre 1930 montre, avec 316 h de vol, l'importante utilisation de l'appareil depuis octobre 1929, mais son sort est scellé. Basé à Alger - Maison Blanche, il ne vole pratiquement plus ensuite, n'effectuant que 20 heures de vol entre novembre 1930 et septembre 1933.


            En 1934, le F-AIXQ figure toujours au registre F, mais il en disparaît par la suite sans laisser de trace.

Le F.190 n°4 de retour au Bourget. De g à dr : Lallouette, Farman, Dagnaux, Richard.

  [Coll Jack Meaden]

Les Avions Farman

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F.19O n°5 F-AIYC