Crezan
F190
Crezan
F190

F.191 / (7110)

F-AIVQ


            Reprenant le concept du "Spirit of Saint-Louis", Farman construit parallèlement au F.190 n°1 un prototype de raid comportant de grands réservoirs emplissant la cabine et un grand réservoir situé immédiatement derrière le moteur permettant de conserver un centrage correct, mais fermant toute vue vers l'avant de l'appareil. L'arrière du fuselage est allongé de 60 cm. Ainsi modifié, l'appareil pouvait emporter environ 3000 litres de carburant. L'envergure était portée à 17 m environ pour accepter la masse importante qui en résulte. Dans l'appareil de Lindbergh, un périscope permettait au pilote de retrouver une visibilité vers l'avant. Farman préfère doter l'appareil d'un cockpit ouvert permettant au pilote avec un siège plus ou moins rehaussable de regarder vers l'avant en tant que de besoin, une vision latéraale lui étant permise par les vitres latérales. Concept trés inconfortable pour l'atterrissage que Farman réutilisera cependant sur son projet stratospherique F-AKFK.


            Son numéro constructeur de cet appareil est vraisemblablement 7110.

            Il a certainement reçu un CdN, mais nous ne connaissons que son immatriculation F-AIVQ, Sa référence AIR pourrait-être 2-1196. Dénommé en principe F.191, cette nomenclature est néanmoins assez floue. "Le Document Aéronautique" le cite comme F.290.

  

Le premier exemplaire du F.191, à Toussus-le-Noble en décembre 1928, tel qu'il apparaît sur plusieurs photographies. [© Michel Barrière]

Le F-AIVQ transformé en appareil de grand tourisme et de record pour l'as roumain Romeo Popesco à l'été 1929. [© Michel Barrière]


            Les 6 novembre et 8 décembre 1928, Lucien Coupet effectue de courts vols sur l'appareil.


            Le pilote de records roumain Romeo Popesco est alors à Villacoublay, dirigeant la mission militaire roumaine qui vient à Paris prendre livraison des chasseurs LGL 32 C1 à moteur Jupiter acquis par la Roumanie et les convoyer en vol. Accompagné de deux officiers roumains, il arrive à Paris dans les derniers jours d'octobre.

            Le 21 novembre, avec un LGL 32 équipé du nouveau moteur Jupiter Type VII, il tente un record d'altitude. Il décolle à 13h02 de Villacoublay et se repose à 14h46, ayant abandonné son vol à une altitude de 10.600 m par suite du manque d'oxygène, son haleine gelée ayant obturé l'inhalateur. Avec 10.518 m homologués, il n'a pu battre le record du monde de l'américain C.C.Champion (11.753 m), mais il améliore le record roumain d'altitude qu'il détenait déjà avec 9.400 m. Il rentre en Roumanie le soir même.



            Pendant son séjour en France, Romeo Popesco a probablement assisté à un vol du F.191 qui l'a apparemment intéressé au point de décider l'achat sous réserve néanmoins d'une sérieuse transformation.

            La configuration du F.191 avec son poste de pilotage à l'air libre sur le dessus du fuselage, et les caractéristiques aérodynamiques qui en résultent, ne lui conviennent apparemment pas, car l'appareil est modifié au printemps 1929 et doté d'une cabine de pilotage du type F.190. Pour ce faire, l'avion a dû être ramené à Billancourt fin janvier, modifié en usine, puis remonté à Toussus en avril ou mai avant d'être essayé et réceptionné pour être livré à Romeo Popesco. Au passage, il a perdu une partie de son autonomie avec la disparition du réservoir avant et un allègement à l'arrière pour retrouver un centrage correct.


            Début juillet, le F.191 F-AIVQ est à Villacoublay. Romeo Popesco le prend en main et s'entraine avec la perspective de réaliser une liaison Paris – Bucarest sans escale, espérant remporter la coupe Bibesco. A cette époque, l'appareil peint couleur aluminium porte son immatriculation sur le fuselage et les ailes.


            Ses autorisations de survol de l'Autriche le donnent comme un appareil commercial faisant une liaison Paris - Constantinople. Ceci nous fait supposer que le F.191 a été enregistré au nom de la CIDNA, la législation française interdisant alors l'enregistrement national au nom d'un ressortissant étranger, arrangement que nous retrouverons pour le transfert au Portugal du F.190 n°5 / F.191-1.

            Le 16 août à 4h50 du matin, Popesco quitte Le Bourget avec son F.191, baptisé "Mihaïl I" en hommage au souverain roumain. Il a comme passagers le lieutenant de réserve Jagolnitza, de la section d'information de l'Institut international de coopération intellectuelle, et le mécanicien français Claude Damet, futur mécanicien attitré de Jacques de Sibour. Il transporte également des journaux parisiens du jour qui devraient ainsi être pour la première fois disponibles à Bucarest en soirée : cinquante numéros du Petit Parisien et de l'Excelsior. L'appareil, malgré ses réservoirs qui lui permettent d'emporter 1400 litres de carburant, soit une autonomie de 20 h environ, est alors décrit par les journalistes comme un avion de grand tourisme, ce qui confirme son poste de pilotage "normal". Le Farman atterrit à 20h07 sur l'aéroport de Baneasa à Bucarest, après avoir dû se poser pendant une heure et demie entre Linz et Vienne par suite d'un mauvais fonctionnement du moteur. Durant ce vol d'au moins 2000 km, sa vitesse de croisière a avoisiné les 150 km/h.


            Pendant l'automne et l'hiver 1929, Popesco pilote le F.191 toujours immatriculé F-AIVQ effectuant une campagne de propagande pour l'"Aéro-Club Bleu" de Roumanie. Selon "Les Ailes", cet aéro-club est l'acquéreur effectif de l'appareil, pour lequel, sans subvention de l'Etat roumain ou d'un service officiel, il a signé des traites à Farman. En décembre-janvier, Popesco donne en un mois plus de 1300 baptêmes de l'air aux écoliers de Bucarest. Au printemps, il poursuit son action en province, donnant le baptême de l'air à près de 3000 écoliers et écolières. Une photo prise à cette occasion montre l'appareil dans un état proche du F.190 de série, hormis le fait que la cabine passager n'est encore éclairée que par les deux fenêtres carrées du F.191 initial.

            Le 7 mai 1930 à 16h22, Romeo Popesco, accompagné du commissaire de l'Aéro-Club de Roumanie, Georges Tzinta, et du mécanicien Claude Damet s'envole de l'aéroport de Bucarest-Baneasa avec le Farman chargé de 1400 litres d'essence et 54 litres d'huile. Avec sa voilure agrandie, l'appareil décolle après une course de seulement 400 m et monte facilement à 1200 mètres d'altitude. Il se pose le 8 mai à 13h22, ayant tenu l'air pendant 21 heures et battu le record roumain de durée du vol. Le Farman a alors 160 heures de vol à son actif.


            Le 7 juin 1930, Popesco ramène le F-AIVQ en révision au Bourget : l'avion a déjà parcouru 15.000 km en voyages de propagande et tentatives de record. Popesco veut maintenant réaliser un vol Londres – Bucarest sans escale pour s'attaquer au record roumain de distance en ligne droite que le Prince Ionel Ghika tente au même moment de battre avec un Moth au décollage de Bicester-Oxford. Le 11 juillet, Popesco décolle de Croydon à 4h47 du matin pour Bucarest pilotant le "monoplan Titan-Farman, F-AIVQ" (Flight), donc toujours immatriculé en France. Il transporte un passager et un mécanicien, probablement Damet. A son arrivée à Bucarest, Popesco est félicité par le roi, mais le record revient à Ghika qui a atteint la Bulgarie au terme d'un vol de 2000 km.


  

F.191 / (7110)

YR-MIH


            Le 1° avril 1931, le F.191 reçoit le CdN roumain n°12. Il est sans doute alors immatriculé dans le registre roumain initial, peut-être bien avec l'immatriculation CV-MIH reprenant la symbolique royale de son nom de baptême.

            Le 9 décembre 1931, Romeo Popesco se tue pendant une tentative de record du monde de vitesse sur le parcours de 500 km Bucarest – Fetesti – Bucarest avec le prototype I.A.R. CV.11.   

Le premier exemplaire du F.191, réimmatriculé YR-MIH, à l'ARPA en 1936 (couleurs supposées). [© Michel Barrière]


            Nous n'avons pas d'information sur l'activité du F.191 ni sur ses pilotes dans les années qui suivent.

            En 1936, lors de la rénovation du registre roumain, il reçoit l'immatriculation YR-MIH. Il est alors utilisé pour des vols de tourisme et des baptêmes de l'air par l'ARPA "Asociatia Românã pentru Propaganda Aviatiei" (ARPA) (Association Roumaine pour la Propagande Aérienne). Les photographies de cette époque montrent que la cabine est éclairée par des fenêtres carrées qui ne semblent pas de facture Farman ; la porte avant est celle du F.191 d'origine.

            Sur le fuselage, le Farman, qui semble entièrement de couleur aluminium, porte, outre son immatriculation, une grande inscription "MARELE VOEVOD DE ALBA JULIA" (Grand Prince de Alba-Julia), titre porté par Mihail 1, redevenu prince héritier après le retour de son père, le roi Carol 2, dans son pays en 1931.


            Le F.191 disparaît ensuite rapidement du registre, l'immatriculation YR-MIH étant reprise en 1938 par un Nardi FN 305.

Tous droits réservés - Michel Barrière - crezan.aviation@gmail.com

Les Avions Farman

F.19O n°2 F-AIXL