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Ethiopie
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Ethiopie 1929-1936

Ethiopie 29-36

1936 : la fin de l'aviation impériale


          ¤ Janvier


            Le 4 janvier, après avoir attendu plusieurs jours l'autorisation de se rendre dans la zone de combats, le Fokker trimoteur piloté par Von Rosen quitte Addis-Abeba vers midi. Il doit se poser à Yirga Alem pour débarquer des médicaments. Certains journaux indiquent que l'appareil, lors de son départ et de son escale à Yirga Alem aurait été accompagné d'un un  "appareil militaire léger" (Potez 25) piloté par Babitcheff.

            Le 5, Von Rosen décolle le lendemain avec le consul de Suède Knut Hanner et le délégué de la Croix Rouge internationale Marcel Junod et rejoint les ruines du campement suédois. Il ramène immédiatement à Addis-Abeba le docteur Fryde Hylander, chef de la mision, légèrement blessé; son assistant Gunnar Lundstrom décédera peu après. Une semaine plus tard, Von Rosen, accompagné  de Kurt Hanner, décolle de nouveau sur le Fokker pour observer la retraite des ambulances suédoises avec Hanner à  son bord. Devant le feu ouvert sur l'avion par les troupes italiennes, von Rosen dépose ses passagers et continue seul.

            

            Le 11 janvier, un appareil parti d'Addis-Abeba pour Dessye, quartier général de l'empereur, fait demi-tour, n'ayant pu trouver sa destination dans la pluie. La météorologie qui se dégrade ensuite  interdit les vols


            Le 16, l'américain H. Spencer, nouveau conseiller technique de l'Empereur pour les affaires étrangères, rejoint en vol Dessye avec l'attaché militaire britannique, le Major Holt, dans le Farman F.192 piloté par Babitcheff qui repart le 17 vers Addis-Abeba. Le 18, le Farman 192 revient de la capitale, transportant l'américain Colson, conseiller aux finances du gouvernement éthiopien. L'après-midi du 19, Colson et Spencer repartent dans le Farman pour la capitale. Le prince Makonnen quitte également Dessie pour rejoindre la capitale en avion.


            Le 21, le DH.84 G-ACKD arrive de Grande-Bretagne, piloté par Charles Hayter. L'appareil a été équipé en ambulance pour la Croix Rouge éthiopienne. L'empereur reçoit la visite du Major Steffen.  


            En reportage sur le front érythréen pour l'Illustration, Géo Ham voit les restes du Potez 25 Hispano capturé en novembre. Sa description ne concorde pas vraiment avec les communiqués initiaux faisant état d'un appareil démonté mais en bon état : "Près d'un buissson de cactus, un rayon de lune éclaire le fuselage démantelé de Potez 25 enluminé de la cocarde rutilante de l'aviation éthiopienne. C'est le squelette de l'oiseau blessé qui s'écrasa quelques jours avant la chute de Makallé".

          ¤ Février

            

            Le 2 février, Maignal et sa famille, qui ont quitté Addis-Abeba vers le 20 janvier, embarquent à Djibouti sur le s/s André Lebon.

            

            Le 3, les Ethiopiens utilisent leurs appareils pour des missions de propagande, lancant des proclamations sur la région de Sidano, invitant la population à soutenir le ras Desta, "loyal serviteur de l'Empereur".


            Le 9 février, les Caproni Ca 133 de la 7a Squadriglia 44° Grupo BT bombardent Dessye; alors qu'ils commencent à s'éloigner, ils reviennent bombarder l'aérodrome, ayant aperçu sur le terrain, à proximité du palais royal, deux avions : un Potez 25 et le Fokker FVIIa Abba Kagnew de la Croix-Rouge éthiopienne. Les appareils ont reçu des éclats, mais sans dégâts importants. C'est sans doute lors des réparations qui s'ensuivent que l'appareil perd ses marques éthiopiennes pour ne conserver que ses croix rouges.

            Le 12, le prince héritier aurait quitté Addis-Abeba avec le Fokker trimoteur pour rejoindre son père à Dessye.



            Le 17, Charles Hayter qui reconnait depuis son arrivée les terrains utilisables échappe à un bombardement effectué par 4 savoia S.81 alors qu'il séjourne sur le terrain de Dessye, transporté par le Fokker FVIIa de la Croix Rouge.


            Le 23 à 14h10, Hayter décolle pour Djidjiga afin de ramener le corps d'un médecin égyptien, le Dr Sawy, mort de dysenterie. Lourdement chargé avec deux passagers et un cercueil, le Dragon s'élève difficilement et Hayter ne peut éviter un eucalyptus. Un moteur arrêté, il s'écrase peu après sur une hutte. Le pilote est légèrement blessé à la tête et  son second pilote éthiopien, Haile Ghiorghis, est sérieusement blessé; l'avion est complètement détruit par le feu.

¤ Mars

            

            Le 2 mars, un appareil tranportant de Sidamo vers Addis-Abeba des déserteurs érythréens doit atterrir à 60 km au sud de la capitale.


            Le 4, les Caproni bombardent ainsi le grand camp de la Croix Rouge britannique installé dans la plaine de Korem, ainsi que le campement de journalistes voisins. Après s'être dissimulés dans un vallon montagneux en bordure de la plaine, les hommes de la Croix Rouge obtiennent l'autorisation de l'empereur pour s'installer dans une grotte voisine de la sienne, près du Lac Ashangui.

            Le 8, après être passés à Korem, l'empereur et son état-major s'installent dans une grotte à flanc de montagne, dominant la plaine près du lac Ashangui. Par voie de conséquence, les appareils éthiopiens assurent désormais leurs vols de liaisons dans la zone d'action des appareils italiens qui surveillent systèmatiquement la zone le matin et en début d'après-midi.

            Le 10, un Potez 25 venant de Dessye se pose dans la plaine voisine, arrivant en fin d'après-midi transportant le courrier, éventuellement des personnes et assurant un certain confort à l'empereur en amenant des denrées fraiches comme en témoigne un panier de pommes offert aux hommes de la Croix Rouge le 11 mars. A partir de cette date, les appareils italiens se montrent très actifs, survolant et bombardant la zone le matin et souvent en début d'après-midi.


            Le 16 mars, le Fokker F.VIIa Abba Kagnew quitte Addis-Abeba piloté par von Rosen avec à son bord Junod et un mécanicien éthiopien. Volant à basse altitude pour échapper à la surveillance italienne, il parvient à Dessye et s'y ravitaille. Pour éviter une mauvaise rencontre, il repart en fin d'après-midi peu après le Fokker F.VIIa Abba Dagnew et se pose à son côté dans la plaine de Korem.

            Le départ est envisagé le lendemain matin de bonne heure, mais finalement reporté au 18 pour permettre à Junod de visiter les installations de la Croix Rouge dans les grottes voisines.

            Le 17 avant le lever du soleil, les militaires éthiopiens camouflent les deux Fokker avec des branchages. Malheureusement, outre le fait que ce "camouflage" les laissent totalement visibles sur la plaine désertique, les deux appareils ont déjà été repérés et photographiés par un appareil d'observation italien.

            Environ une heure après, 3 Ca.133 les bombardent. Le Fokker Abba Dagnew est aussitôt détruit par un coup direct. Malgré les croix rouges ornant ses ailes et parfaitement visibles, le Fokker Abba Kagnew est également bombardé, mais avec moins d'efficacité, survivant aux trois premiers passages.

            Von Rosen tente d'enlever les branchages pour rendre les croix rouges plus visibles, mais les Italiens ne s'en soucient guère. Une seconde vague de 5 Ca.111, puis une troisième à 11h00 laissent l'appareil toujours utilisable, les réservoirs étant seuls endommagés par le mitraillage à basse altitude d'un Ro.37. Le Fokker échappe encore au bombardement d'une quatrième vague de 3 Ca.133 vers 13h00. Mais, pendant que Junod tente d'envoyer un message par radio pour sauver l'appareil, une cinquième vague composée de Ro.37 mitraille l'appareil que les traceuses parviennent finalement à enflammer.

            Les communiqués Italiens mentionneront diversement la destruction des deux appareils, feignant d'ignorer la destruction du Fokker de la Croix Rouge: "Au sud du lac Achianghi, dans la plaine de Ciolla-Amadir, notre aviation a repéré au sol deux avions éthiopiens camouflés. Malgré la violente réaction de petits canons anti-aériens, nos appareils descendant à une basse altitude, réussissent à frapper les deux avions éthiopiens et à les détruire."


            Le 18, Van Rosen et Junod quittent le quartier général du Négus dans les grottes de Korem, accompagnant l'équipe de la Croix Rouge britannique.

            Pour éviter la menace des avions italiens, le départ a lieu à 17h30. Des mules leur permettent de rejoindre vers 19h00 les deux voitures et les 6 camions de l'ambulance britannique, y retrouvant le reste de leur équipe et le docteur hollandais van Schelven, blessé.

            Tout le convoi prend vers minuit la route de Dessye et, à 06h30, Junod et Van Rosen atteignent Kobbo et s'y dissimulent pour la journée. Vers 17h00, ils reprennent la route, mais une panne les arrête à une heure du matin. Ce n'est que le 20 mars vers 17h00 qu'ils atteignent Dessye.

            Pendant deux jours, Junod tentera en vain d'obtenir un avion pour le ramener, ainsi que van Schelven, à Addis-Abeba.


            Ce 20 mars au matin, les Italiens envoient un appareil de reconnaissance, un IMAM Ro1 de la 118° Squadriglia, sur la piste caravanière qui mène à Gondar.

            En survolant le terrain de Dabat, au nord-est de Gondar, l'équipage italien aperçoit un grand trimoteur "de type Fokker", portant les couleurs éthiopiennes sur le gouvernail et le fuselage, arrimé devant la cabane du gardien. Personne autour de l'appareil surpris en cours d'approvisionnement,  les personnels ayant probablement fui à l'arrivée de l'appareil italien.

            Le Fokker est entouré de fûts de carburant et de divers matériels. Le pilote italien ouvre le feu avec ses mitrailleuses, tandis que l'observateur demande des renforts par radio à l'aéroport avancé.

            Une patrouille d'IMAM Ro37 de la 109° Squadriglia arrive rapidement sur les lieux et bombarde le Fokker, brisant les ailes et le fuselage avant une pase de mitraillage qui enflamme les réservoirs et les fûts d'essence à proximité, faisant disparaître l'appareil dans les flammes et la fumée.

            Lorsque les appareils italiens quittent l'aéroport, il ne reste du trimoteur Fokker que la structure métallique dans une grande zone d'herbe brûlée. [La Stampa]


            Le 23 mars vers 19h00, les ambulanciers britanniques repartent en voiture vers Addis-Abeba tandis qu'une ambulance hollandaise emmène sur le terrain d'aviation Junod, Van Schelden et Van Rosen qu'un avion - Farman ou Junkers - doit prendre à l'aube pour les ramener à la capitale.


            Le 24 mars au matin, un appareil de reconnaissance repassant sur Dabat pour constater les résultats du bombardement précédant a la surprise de repérer en bordure du terrain un appareil éthiopien. L'appareil est incliné sur le flanc, faisant supposer qu'il a été accidenté à l'atterrissage. Il s'agit cette fois d'un "biplan monomoteur biplace de couleur vert olive" portant les couleurs éthiopiennes sur les ailes et le gouvernail. Le vernis très brillant sur le fuselage laisse supposer un appareil neuf ou récemment repeint. Une rafale de mitrailleuse bien placée enflamme l'appareil éthiopien. Malgré le feu ouvert par des mitrailleuses cachées en bordure du terrain, l'appareil italien surveille le résultat de son action avant de s'éloigner.


            Ce même mois de mars, Weber est envoyé par l'empereur à Debra-Marcos dans le Godjam, pour ramener trois chefs révoltés condamnés à mort. Bien que le Négus lui ait affirmé que le calme régnait dans la région, il se trouve, une fois ses "passagers" enchainés embarqués dans le Junkers, encerclé par une foule hostile. Dans ces conditions, la mise en route est difficile, l'hélice fauche un imprudent et Weber décolle en catastrophe, sans attendre l'installation d'un garde armé à bord. Ses passagers, apparemment fatalistes, seront pendus aussitôt arrivés [Monfreid].

  

Un ambulancier britannique contemple les débris d'un Fokker donné comme étant l'Abba Kagnew. On voit les restes des branchages utilisés pour son camouflage.

[Source : Macfie, An Ethiopian Diary; Coll. Michel Barrière]

Un askari devant les débris du Fokker Abba Dagnew en avril 1936, après la bataille de Maychew. [L'Enthousiaste]

Suite aux attaques italiennes sur des camps de la Croix Rouge, les marquages du FVIIa "Abba Kagnew" furent limités aux seuls emblèmes de l'organisation. Cela n'empêchera pas sa destruction par l'aviation italienne. [© Michel Barrière]

          ¤ Avril


            Le 4 avril à 7h30 du matin, 5 IMAM Ro37 de la 107° Squadriglia, commandés par Tito Falconi, effectuant une mission de surveillance au-dessus de la route caravanière reliant Dessye à la capitale repèrent un Potez rentrant vers Addis-Abeba. L'appareil poursuivi se pose à Akaki, et est légèrement endommagé par le mitraillage au sol.

            Un appareil situé à l'extérieur des hangars est bombardé et incendié. Il s'agirait du Farman 192. Néanmoins Vittorio Mussolini mentionnera la présence "d'un appareil américain à cabine, complètement brûlé", et on ne peut donc exclure qu'il puisse s'agir du Beechcraft, immobilisé depuis décembre 1935.

            Les hangars sont égelement mitraillés; un appareil civil utilisé par United Press qui se trouve à l'intérieur n'est pas endommagé. Certaines sources britanniques mentionnent également la destruction de 3 appareils dans les hangars, ce que corroborerait l'état du Breda 15 lors de sa capture.

            Le DH60 Moth, qui se serait trouvé en bordure des arbres, est également mitraillé à cette occasion.

            Le feu anti-aérien éthiopien touche tous les appareils italiens, blessant Falconi à la mâchoire; l'aviateur réussit néanmoins à ramener son appareil à Makale.

            Aussitôt après, l'empereur et son ministre des affaires étrangères viennent constater les dégâts sur le terrain. Selon certaines sources, l'aviation éthiopienne détiendrait encore 3 avions (?) en état de vol sur les douze de l'entrée en campagne.


            Le 5, six appareils italiens bombardent Dessye où se trouve le quartier général du Prince Asfa Wossen.

            Le 15, jour de la chute de Dessye, Weber effectue à Addis-Abeba le premier vol de l'Ethiopia 1, appareil entièrement construit en Ethiopie dont la construction avait débuté en décembre 1935.


            Le 18 avril, Carl Gustav von Rosen quitte Addis-Abeba par train pour Djibouti, où il embarque pour Le Caire. Le 22, John C. Robinson quitte à son tour la capitale par le train de Djibouti, ainsi que le Capitaine John Meade, attaché militaire de l'ambassade américaine. Ayant embarqué à Cherbourg, Robinson débarquera aux Etats-Unis le 18 mai sur le liner Europa de la North German Lloyd.


            Le 25 avril, un Potez 25, probablement le n°2, effectue une reconnaissance risquée le long de la route Debra Brehan-Tarmaber, ne constatant que la retraite des troupes et ambulances..


            Dans les derniers jours d'avril, Yvan Demeaux et sa famille se réfugient dans l'enclave de la Légation de France où des abris ont été construits et qui sont sous la protection de troupes venues de Djibouti.

Avril 1936 : les troupes italiennes en marche passent devant les restes du F.VIIa "Abba Kagnew" sur le terrain de Korem. [Coll. Michel Barrière]

          ¤ Mai


            Le 2 mai  à 2h00 du matin, l'Empereur et sa famille quittent le palais. A 4h00, leur train quitte Addis-Abeba pour Dire Dawa et Djibouti.  Le sac de la capitale a commencé, dans l'anarchie et le pillage. Quelques étrangers sont tués et des légations attaquées.

            Le 3, Weber et ses trois mécaniciens quittent Addis-Abeba avec le Junkers resté camouflé sous les arbres du terrain de Jan Meda. Ils rallient Roseires, au Soudan, mais sont obligés de se poser en panne d'essence à quelques kilomètres de leur destination. Récupérée par la RAF, l'épave du Junkers sera finalement ferraillée.

            L'Ethiopa 1 qui compte alors 30 heures de vol, est abandonné à Jan Meda ; les italiens le ramèneront à Rome.


            Le 5 mai, Addis-Abeba tombe aux mains des forces italiennes.


            Le 8, Vittorio Mussolini constate la présence, sur le terrain d'Akaki, "d'un appareil américain à cabine, complètement brûlé". Il pourrait donc s'agir du Beechcraft, mais cette identification n'est confirmée nulle part ailleurs.

            Les Italiens sont séduits par la qualité du terrain d'Akaki, dont la piste est bombée pour éliminer rapidement les eaux à la saison des pluies et dont les aménagements sont sèrieux malgré les proportion réduites de l'aviation éthiopienne; Dans le grand hangar, capable d'abriter une dizaine d'appareils, les placards affectés aux pilotes sont encore présents, identifiés par une carte portant le nom des pilotes en français et en amharique. N'y figurent cependant alors que trois noms : le commandant Babitcheff, John Robinson et "celui d'un aviateur probablement indigène Seyoum Beta [probablement Seyoum Kebede]." Ils y trouvent également quatre hélices métalliques neuves portant encore leur date d'expédition (31 octobre 1935) ainsi qu'un parachute d'origine italienne.

            Un atelier de mécanique bien équipé, et de façon très moderne, est installé sur le flanc du hangar. Les murs portent des inscriptions en français recommendant le silence et le travail.

            Quatre appareils éthiopiens sont trouvés dissimulés dans les eucalyptus et sont rassemblés derrière les hangars. Deux sont en parfait état et les deux autres à moitié détruits. Parmi eux figure le Breda 15 offert par l'Italie au Négus pour son couronnement, ainsi que le Moth de de Sibour, et vraisemblablement l'Ethiopia 1. Le Breda porte des traces de brûlures sans doute dues au mitraillage du 4 avril. Les aviateurs italiens admirent les restes de cet appareil qui permettent de voir les couleurs éthiopiennes de l'intérieur de la cabine et des lambeaux du brocart rouge qui ornaient le siège du Négus.


            Le 9 mai, l'Éthiopie est annexée par l'Italie.

¤ Juin - août


            Etant dans l'impossibilité de trouver sur place un autre appareil sanitaire, Van Rosen rentre en Europe dans le courant du mois d'avril. Les détails de son retour ne nous sont pas connus, mais il est à Stockholm en mai, pour évaluer les possibilités de revenir avec un appareil pour évacuer les ambulanciers et missionnaires restés bloqués en Ehiopie.

            Courant mai, deux Fokker F.VIIa sont en attente dans les hangars de Schiphol. Ils ont été acquis auprès de KLM grâce à une anglaise, Lady Gladstone, et mis par la SDN à la disposition de la Croix Rouge pour l'Ethiopie. Des pilotes australiens, le Flight-Lieutenant Edgar B. Waddy et  le Major Shields ont été retenus pour les piloter, mais le cours des événements apporte quelques changements. Il semble que l'envoi d'un seul avion soit décidé avec comme équipage Von Rosen et le capitaine anglais Marius Brophil, ancien chef de l'ambulance britannique en Ethiopie.

            Fin mai, Von Rosen se rend à Londres pour discuter son projet avec la Croix Rouge britannique et obtenir des facilités pour rejoindre Le Caire, puis atteindre l'Ethiopie en passant par le Soudan. De ce fait, le 3 juin, Von Rosen et Brophil accueillent Hailé Sélassié à son arrivée à Londres et s'entretiennent avec luià l'occasion de la réception à l'ambassade éthiopienne. Von Rosen rentre ensuite en Suède où, le 9 juin, il est passager du Fokker F.XXII SE-ABA "Lappland" lorsque celui-ci s'écrase à Malmö, faisant un mort.


            Le 11 juin, Von Rosen et Brophil décollent de Schiphol avec le Fokker F.VIIa peint au blanc de chaux, portant une grande croix rouge et immatriculé PH-EHE. D'Amsterdam, ils rejoignent via l'Egypte, Malakal au Soudan avant de se diriger vers Goré, capitale de l'ouest éthiopien où le gouvernement éthiopien provisoire s'est installé au départ de l'Empereur. Voyage hasardeux, qu'aucun appareil n'a encore réalisé. La navigation est difficile car on est en pleine saison des pluies.

            Naviguant au compas et supposant arriver au-dessus de Goré, le brouillard et les nuages ne laissent apercevoir aux pilotes que quelques rochers. L'avion tourne près de sept heures dans la pluie à proximité des falaises sans discerner un terrain possible. Alors qu'ils commencent à désespérer, Brophil aperçoit le toit de tôle d'un toucoule, ce qui leur permet de descendre lentement à la recherche d'un terrain. Ils se posent sur une bande de terre de 120 mètres de long, flanquée d'un abîme de quelques centaines de mètres de profondeur, Brophil tirant vers l'arrière de la cabine les dix lourds bidons d'essence pour alourdir la queue de l'appareil et aider au freinage.


            L'accueil par les éthiopiens est particulièrement joyeux, des bouteilles de champagne apparaissant mystérieusement. Des courriers sont alors envoyés alentour pour demander des nouvelles des membres manquants de l'ambulance suédoise, mais ils ne ramènent aucune information et von Rosen revient à Malakal.

            Dans les semaines qui suivent, Von Rosen et Brophil refont cinq fois ce vol dangereux de Malakal à Gore, toujours avec le même résultat. Ils apercoivent quelquefois des avions de chasse italiens. Après le cinquième vol, les Italiens envoient un message à l'Ambassade de Suède au Caire, prévenant que si von Rosen se pose de nouveau à Goré, l'aviation italienne viendra bombarder la ville. Ayant appris que les membres manquants de l'ambulance suédoise ont réussi à atteindre sans encombre le Kenya, l'équipage décide de rentrer en Europe.

            Le retour est pénible. Les deux pilotes souffrent de dysenterie, suite d'une intoxication alimentaire à Goré; puis une crise de paludisme oblige Von Rosen à être hospitalisé au Caire. C'est avec gratitude que, fatigués, les deux hommes accueillent l'offre d'un officier de marine britannique qui les aide à ramener l'avion à Amsterdam.


            Le 21 août, le Fokker PH-EHE est de retour à Schiphol.            

Le Fokker F.VIIa racheté à la KLM utilisé par von Rosen à l'été 1936.

Revenu en août aux Pays-Bas, il sera utilisé sous la même livrée au profit de l'Espagne républicaine et finira incendié alors qu'il est mis sous séquestre dans le sud de la France en juillet 1937. [© Michel Barrière]

  

1935 (2)

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