Crezan
Ethiopie
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Ethiopie 1929-1936

Ethiopie 29-36

1931 : L'impossible croissance

Fin 1931, l'équipe militaire française devant le F.192 du Négus, probablement à Jan Meda. De g. à dr. : Sarafian, Baladé, Picaper, Corriger et Maignal [Les Ailes, Coll Michel Barrière]


            En 1931, les progrés de l'aviation impériale sont peu visibles. Il s'agit de consolider la formation des premiers pilotes éthiopiens et de mettre en place l'infrastructure minimale assurant un fonctionnement au quotidien de cette aviation naissante.


            A partir de 1928, le secrétaire particulier du Négus en charge des affaires étrangères, de la trésorerie et de l'aviation s'appelle Tadessé Mechecha, homme de caractère, décrit par sa petite fille comme "Toujours en tenue traditionnelle, pantalon moulant, tunique et charria d'un blanc immaculé, il a l'air aussi avenant qu'un lion à qui on voudrait refiler du yaourt". Après le couronnement, il devient officiellement "directeur général de l'aviation éthiopienne", mais, comme tous les membres du cabinet, conserve toujours de nombreuses autres fonctions et missions.


            Au plan opérationnel, l'aviation est dirigée par Paul Corriger, sous contrat de 3 ans, Gaston Vedel sous contrat de 2 ans étant chargé de l'école de pilotage. Outre les premiers pilotes éthiopiens brevetés, Mishka Babitcheff et Asfaw Ali, l'équipe comprend un groupe de mécaniciens, constitué des mécaniciens Thierry Maignal, Fernand Picaper, Jean Baladé, de l'allemand Schmidt, de l'arménien Jacob Sarafian et de mécaniciens éthiopiens formés sur place, comme Haile Yesus, Amdework Ali et Kidane.


            Mishka Babitcheff, pris en main par Corriger, est orienté vers une formation de pilote militaire en France et, grace au Lieutenant-Colonel Guillon, attaché militaire de l'ambassade, il est admis "tout à fait exceptionnellement" comme élève officier à l'école d'aviation d'Istres. Le 1° juillet, il quitte Djibouti sur le SS Porthos pour suivre une période d'instruction à Istres. Le 17 septembre, il reçoit le brevet de pilote n°23540. Il rentre à Addis-Abeba dans le courant du mois d'octobre.

            Deux élèves francophones sélectionnés en 1930, Tesfa Mikael Hayle et Bahru Kaba, sont également envoyés en France. Tesfa Mikael Hayle passe son brevet civil à l'école Morane-Saulnier à Villacoublay avant d'obtenir son brevet militaire à Istres. Bahru Kaba est envoyé à Saint-Cyr avant de rejoindre l'école d'aviation de Versailles.


            Asfaw Ali reste auprés de Gaston Vedel pour assurer la formation au pilotage des élèves qui ne parlent pas français. Le fonctionnement de l'école de Djidjiga ne reprend pas en 1931, les élèves poursuivant leur formation de base avec Vedel assisté d'Asfaw Ali et du mécanicien Schmidt.


            Sur le terrain d'Akaki, destiné à devenir le terrain principal de la capitale, la construction des hangars destinés au stockage et à l'entretien des appareils en service est terminée. L'aménagement du terrain de Dire Dawa, d'accés plus facile que Djidjiga et qui bénéficie des ateliers du chemin de fer permet en fin d'année la reprise de l'école de pilotage. Une école de spécialistes y est créée avec l'école de l'Alliance Française pour l'enseignement de la mécanique et les métiers du bois et du fer. Ce même terrain dessert Harrar, qui jusqu'en 1933 nécessite deux jours de trajet par une piste caravanière.

            L'installation d'un terrain est engagée sur la route de Djimma, à environ 150 km au sud-ouest d'Addis-Abeba ; des terrains seront également installés à Debre-Marcos et Gondar, venant s'ajouter à celui de Dessye ouvert en 1929.


            L'aviation impériale dispose maintenant de 10 appareils. Les missions de transport sont assurées par les 6 Potez et les 2 Farman. La formation s'appuie sur le DH.60M acheté aux Sibour et le Breda 15 offert par le gouvernement italien. La réparation du Moth après l'accident du 15 octobre neutralise quelque temps l'appareil, essentiel pour la formation. Le Fiat ne sert que pour l'instruction au sol.

            Outre la liaison avec Djibouti, l'activité aérienne comporte essentiellement des transports à la demande. Corriger dira : "A Addis, il fallait être prêt tous les jours à partir sur un ordre du Négus soit pour amener quelque grand chef des provinces éloignées, soit pour transporter des médicaments ou chercher des malades. Souvent mon avion ramenait au soir tombant des caisses de thalers, montant du tribut que les provinces envoyaient à l'Empereur".


            Outre le transport des personnalités, l'avion est progressivement utilisé par des acteurs économiques ou des étrangers en visite : le Négus ne refusant guère l'utilisation des appareils, le plus souvent par des grandes entreprises comme Mohammedally ou Besse.

            Il sert également pour la reconnaissance des futures lignes aériennes intérieures et de la liaison transversale entre la Côte Française des Somalis, l'Éthiopie et le Soudan britannique : une ligne Djibouti - Addis-Abeba - Roseires (Ar-Rusayris) - Khartoum permettrait d'établir une liaison avec la ligne régulière des Imperial Airways du Cap au Caire. Un terrain installé à Lekampti sur la route du Soudan sera rapidement abandonné. La banque Bauer Marchal, actionnaire de Gnome-Rhône, envisage en 1930 de créer une ligne régionale, mais ses propres difficultés stopperont le projet.

            A la demande du Gouverneur de la Côte Française des Somalis, les aviateurs de la mission française participent à la recherche de terrains et à la réalisation de l'infrastructure en Côte des Somalis.

            ¤ Juin


            Nous n'avons encore que peu d'informations sur le détail des opérations de l'année 1931. Ceci s'explique en partie par le fait que le seul pilote réellement en service opérationnel est Corriger, Mishka Babitcheff étant parti assurer sa formation en France. De son côté, Vedel se plaint de ce que les décisions de reprise de la formation tardent à être prises, lui-même et son adjoint Asfaw Ali étant de ce fait peu actifs.


            La poste aérienne apparait plus active au départ d'Addis-Abeba vers Djibouti.

Au départ de Djibouti, le chemin de fer semble rester pour les Postes Françaises le moyen essentiel de transport du courrier et du fret venant d'Europe, d'Extrême-Orient et de Madagascar à destination de l'Éthiopie.

            Après le premier service Djibouti - Addis Abeba réalisé en décembre 1929, seuls deux autres ont été effectués en 1930 (17 avril et 31 octobre).


            En juin 1931, une série de timbres commémorant le premier vol de Djibouti à Addis Abeba et illustrés par une gravure du Potez 25 Nessre Tafari est éditée à Addis Abeba par la Poste Ethiopienne. Ce mois-là, deux services sont effectués par Corriger les 3 et 19 juin.

  

           ¤ Juillet


            Le 3 juillet; Corriger effectue en Farman la sixième liaison courrier vers Djibouti, transportant le romancier Jean d'Esme (pseudonyme du vicomte Jean-Marie-Henri d'Esménard) qui vient de faire un séjour dans la capitale éthiopienne et un Suisse, Fernand Wiswald.

            A Djibouti, Corriger trouve le F.197 "Paris" F-ALGK de Philippe d'Estailleur-Chanteraine, Giraud et Mistrot, arrivés le 1° juillet. Ils effectuent un Tour d'Afrique et repartent de Djibouti vers le nord le 4 juillet. Le 5 juillet, Corriger retourne à Addis-Abeba avec un passager, Monsieur Selignac, agent des Ets A. Besse (Shell) et le courrier dont c'est seulement le quatrième service dans ce sens.


            Le 16 juillet, l'Empereur promulgue la première Constitution éthiopienne, inspirée de la constitution japonaise.

Jusqu'en 1935, le Farman 192 "blanc", à la voilure aux cocardes éthiopiennes, assurera le transport du courrier et de voyageurs sur la ligne Addis Abeba - Djibouti. [© Michel Barriere]

Le Farman 197 "Paris" tel qu'il se présente à Djibouti le 1° juillet 1931. [© Michel Barriere]

¤ Novembre


            La formation se remet lentement en route à l'école de Dire Dawa car, début novembre, Gaston Vedel, son épouse et Asfaw Ali rentrent de Dire-Dawa à Addis Abeba par le train.


            Le 11 novembre, Bitwaded Guetatchaou, ministre de l'intérieur et président du conseil éthiopien se rend à Dessye, sa mère étant souffrante. Il part à 7h20 dans le Farman piloté par Corriger qui est de retour à 10h30. La rapidité de ce voyage est évidemment sans commune mesure avec les déplacements terrestres qui, d'Addis-Abeba à Dessie, prennent d'une à deux semaines.


            Le 26 novembre a lieu une liaison postale entre Addis-Abeba et Dessye.


            Fin novembre, le prince héritier Asfaw Wossen, accompagné d'une forte délégation éthiopienne, part de Djibouti pour une tournée internationale qui l'emmène à Jérusalem en décembre avant de parcourir l'Europe à partir du 1° janvier 1932.

            Cette tournée s'inspire directement de celle effectuée par le Ras Taffari de 1924. Pour sa préparation, une séance spéciale de projection des films de la visite de 1924 est d'ailleurs organisée par l'Empereur à l'intention des membres de la délégation. Parmi ceux-ci figurent le Dedjazmatch Desta, beau-frère du prince héritier et son épouse, la princesse Tenagne Worq, ainsi que Blaten Gueta Wolde Maryam, qui avait été en charge de l'achat des Potez 25 en 1929.

En 1931 ou 1932, devant le Po25 "Nessre Tafari".

De g. à dr. : mécanicien éthiopien, Jacob Sarafian, pilote éthiopien (Asfaw?), X, Fernand Picaper, Jean Baladé

 [Le Monde Colonial Illustré, Coll Michel Barrière]

1930

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1932