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Ethiopie
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1929 : Naissance de l'aviation impériale

17 mai 1924 : au cours d'un meeting aérien organisé en son honneur, les Nieuport 29 du 34° Régiment d'Aviation sont présentés au au Ras Taffari Makonnen

 [Le Matin]

        De l'Abyssinie à l'Ethiopie


            Au début du siècle, l'Ethiopie est le seul état indépendant d'une Afrique entièrement colonisée. L'Abyssinie féodale que l'Italie croyait tenir en protectorat est unie par l'empereur Ménélik II, et acquiert son statut d'état libre en 1896, lorsque ses armées écrasent les troupes italiennes à la bataille d'Adwa.


            En décembre 1913, au décès de Ménélik II, son petit-fils Lidj Yassou lui succède. Le nouvel empereur accumule les erreurs politiques en se rapprochant de l'Allemagne et de la Turquie et se convertissant à l'islam dans ce pays dont la monarchie traditionnellement chrétienne dit descendre du Roi Salomon et de la Reine de Saba. Le parti conservateur finit par le déposer le 27 septembre 1916.


            Le 11 février 1917, Zaoditou, fille de Ménélik, est placée sur le trône ; le Ras Tafari Makonnen, fils du héros d'Adwa, est nommé Prince Régent. Le futur empereur lance une politique de modernisation du pays. Pour gouverner un pays étendu aux moyens de communication encore réduits, il s'intéresse aux possibilités ouvertes par l'aviation commerciale et postale.


            En juin 1919, l'Etat français détache à la Compagnie impériale d'Ethiopie une mission dotée d'un Farman F.40. Elle est constituée par Alphonse Malfanti, chef-pilote, un autre pilote, Béraud, et probablement un ou deux mécaniciens. Malheureusement, l'autorisation de créer une liaison Djibouti - Addis Abeba, est refusée par l'Impératrice et son Ministre de la Guerre, réticents à cette modernisation du pays.

                        

            En juin 1920, le Farman repart sans avoir été sorti de sa caisse, non sans avoir intéressé le futur empereur. Une nouvelle génération formée à l'occidentale, les "Jeunes Ethiopiens", soutient entre autres progrés l'idée de créer une aviation éthiopienne. Le Ras Tafari lui-même effectue son premier vol en 1922, lors d'un voyage à Aden, à bord d'un Bristol F2B piloté par le First Leutnant Aubrey Rickards.


            En 1924, le Ras Tafari effectue un voyage en Europe, avec des présentations d'appareils militaires, Nieuport 29 et Bréguet 19 à Dugny, une visite au Bourget des Farman "Goliath" d'Air Union à l'aménagement somptueux et au cours de laquelle il retrouve Malfanti et Béraud et effectue quelques vols à Villacoublay.


            Le 7 octobre 1928, le Ras Tafari est couronné Négus à 36 ans. Bien que des conventions avec les trois puissances coloniales, Grande-Bretagne, Italie et France, lui limitent l'accès aux marchés d'armement et d'aéronautique, le nouveau Négus prépare la création d'une aviation répondant aux besoins nationaux en transport de passagers et de fret, transport sanitaire et police.


            Le nouveau Négus fait aussitôt appel à la France tout en acceptant toute autre proposition. L'Ethiopie entretient en effet une relation historique avec la France : le Négus a lui-même reçu une éducation française avec un Capucin ami de son père, Monseigneur André Jarosseau, avec lequel il reste en relations étroites. Le français est la première langue étrangère parlée en Ethiopie où 300 à 400 Français sont présents. La Côte française des Somalis et le port de Djibouti ouvrent la mer à l'Éthiopie et la France a construit la seule liaison ferroviaire du pays, le Chemin de Fer Franco-Ethiopien (CFE) qui relie Addis Abeba à Djibouti. La plupart des jeunes éthiopiens que le Négus choisit pour former son cabinet, comme son secrétaire particulier Tadesse Mechecha, ont souvent reçu une formation francophone.


            Tentées par la valorisation des ressources du pays, France et Grande-Bretagne ont cependant décidé de ne pas contrarier les ambitions coloniales de l'Italie sur l'Ethiopie face à la montée de la présence allemande. Puissances coloniales, elles sont réticentes à la souveraineté d'un pays africain. La France perçoit la demande éthiopienne de concession d'un site portuaire à Djibouti, comme une menace potentielle pour la sécurité de la Côte Française des Somalis et les intérêts français sur la route de l'Océan Indien.


            Mettant en concurrence les trois puissances, l'Ethiopie essaie de tirer son épingle du jeu. Le Négus est convaincu, et le restera longtemps, que son admission à la Société des Nations en 1923 le protège du risque d'une agression italienne.


  

  

        Vers une aviation éthiopienne


            Depuis 1927, l'Ethiopie a entrepris de moderniser son équipement militaire, option intéresse les industriels européens, mais éveille la méfiance des gouvernements. Fin 1928, l'Ethiopie négocie avec la France un accord pour la fourniture de matériel aéronautique et le recrutement de personnel: l'exclusivité revendiquée par la France lui fait abandonner ce projet et s'ouvrir aux autres sources d'approvisionnement possibles. Ces négociations amènent le 24 novembre la France, la Grande-Bretagne et l'Italie à proposer conjointement à l'Ethiopie une "Arms Conference" quadripartite visant à la mise à jour des accords antérieurs, proposition à laquelle l'Ethiopie ne donne aucune réponse.


            Le 26 février, une demande de licence d'exportation d'armes de la Soley Armament Company destinée à l'équipement de la Garde Impériale est refusée par la Grande Bretagne. Le 8 mars, reçu en audience par le Négus, le chargé d'affaires britannique, Mr. Dunbar, lie ce refus à l'absence de réponse éthiopienne à la proposition de l'Arms Conference. Il met en outre sur le même plan l'exportation d'armes et l'exportation d'avions civils arguant de la facilité de leur usage militaire et conditionnant leur poursuite par la réponse sur l'Arms Conference.


            Le 25 mars, la France confirme son soutien à la position britannique et le 16 avril, informe la  Grande-Bretagne que, dans cet esprit, "il a invité les autorités de la Côte Française des Somalis à s'opposer au transit vers l'Abyssinie d'un avion Junkers W 33". L'appareil a été convoyé à Djibouti par le Major Hans Steffen accompagné de deux pilotes, le Baron Hans Werner von Engel et le Comte Schaesberg. Vendeur d'armes pour Steffen et Heymann, et consul général honoraire d'Éthiopie à Berlin, Steffen a comme interlocuteur David Hall, métis germano-éthiopien, dirigeant d'une société d'import-export et conseiller du Négus.


            Le 6 juin, le Ministre de France à Addis-Abeba, Verchère de Reffye, reçoit un officier français en congé sans solde, André Maillet, qui l'informe de la livraison prochaine à Djibouti de 3 Potez 25 à moteur Lorraine (Po 25.53 A2) achetés par un intermédiaire belge et transportés par une compagnie allemande qui les débarque le 10 juin du SS Porthos. De Reffye le prévient de l'embargo probable et ne manque pas d'informer ses interlocuteurs britanniques et italiens de son embarras sur cette vente dont il n'a pas été officiellement avisé.


            Cette vente a été organisée par un collaborateur du Négus, Wolde Maryam Ayele, avec le soutien du Ministère de l'Air. Pour prendre en charge les appareils, Wolde Maryam a embauché André Maillet comme "chef de l'aviation éthiopienne" sous contrat privé de 3 ans. Maillet est un pilote expérimenté,  adjudant-chef pilote au Service Technique où il assure la réception des appareils. Son épouse et lui ont débarqué le 29 avril à Djibouti du SS Angers des Messageries Maritimes. Ils ne s'installent à Addis-Abeba que début juin, rejoints par deux mécaniciens, Fernand Picaper et Jean Baladé.


            Le 13 juin, le Négus réagit à la décision "des puissances", s'inquiétant de la perte qu'il subirait si le blocage à Djibouti de ces appareils se prolongeait, conduisant à leur rapide détérioration. Il demande si la désignation d'un délégué à l'Arms Conference serait de nature à débloquer la situation. Après quelques tergiversations - l'Italie demandant par exempleque l'embargo ne soit levé qu'après signature des accords - le Négus reçoit une réponse positive. L'embargo ne serait levé qu'une fois le délégué nommé en route pour Paris, pour autant qu'il ait effectivement les pleins pouvoirs pour ces travaux.


            Finalement, le Négus donne le 16 juillet les éléments attendus. Le 26 juillet, le Ministère des Affaires Etrangères fait savoir discrètement à la Grande-Bretagne que, suite à une exportation d'armes autorisée pour l'Italie, elle ne saurait maintenir longtemps les avions sous embargo. Le 3 août , elle informe ses partenaires qu'elle ne maintiendra pas les avions plus longtemps. Maillet et Picaper prennent le train pour réceptionner les appareils à Djibouti.

            L'autorisation de transit pour les appareils - 2 allemands et 3 français indique un texte britannique - est donnée le 10 août.

 

Sources : archives du Foreign Office)

Wolde Maryam (en bas à droite) et sa famille.

Francophone, homme de confiance du Négus, il jouera un rôle important dans la mise en place de l'aviation éthiopienne. Après avoir représenté l'Ethiopie à la SDN, il deviendra en octobre 1935 ambassadeur d'Ethiopie à Paris (photo). Il se soumettra formellement à l'Italie dès septembre 1936. [www.gallica.bnf.fr]

Les premiers pilotes de l'aviation éthiopienne posent pour le photographe à Addis Abeba en septembre 1929.


De g. à dr : Baron Engel, André Maillet, Comte Schaesberg.

          ¤ Dimanche 18 août 1929 : Potez 25 "Nessre Tafari"


            Maillet prévoyait le transport des appareils en train, mais, le 31 juillet, un orage coupe la voie ferrée et le décide à les livrer en vol.

A sa demande, un terrain est aménagé sur le plateau de Gefersa, près de la route d'Addis Alem, à environ 20 km à l'ouest d'Addis Abeba. L'opération est effectuée en 5 jours par la Société Nationale d'Ethiopie avec l'aide de la Municipalité.

            N'ayant pas d'outillage, Maillet monte l'appareil sommairement à Djibouti, près des quais, sur la place de la gare par une température de 42° à l'ombre. Picaper étant victime d'une insolation, Maillet est assisté par le Baron Engel et son mécanicien Schmidt, ainsi que par le personnel des ateliers du chemin de fer. Sur le tableau de bord, les instruments manquent : la majeure partie est déjà en route pour Addis-Abeba.

            Le départ, d'abord prévu le 16 août au matin, est reporté par maillet au 18 août, car le moteur chauffe trop, nécessitant l'utilisation d'une huile de ricin de qualité, que fournira l'hôpital de Djibouti.

            

            Le dimanche 18 août 1929, à 6h14, André Maillet et Picaper s'envolent d'un terrain vague de Djibouti avec un passager, Monsieur Mazloum, représentant de Citroën, qui connait la langue et le pays et servira d'interprète et de guide en cas de problème. A son grand regret, Maillet n'a pu obtenir de se voir confier le courrier postal de Djibouti destiné à Addis Abeba.


            A 9h00 du matin, peu avant l'heure d'arrivée prévue, le Négus s'installe avec ses deux fils, l'aîné Asfaw Wossen (Asfawossen) et le second, Makonnen, sous l'une des 4 grandes tentes montées sur le terrain de Gefersa et qui accueillent de nombreuses personnalités.

            Le passage de l'avion est signalé successivement par les stations de chemin de fer de Gotha, Aouache, Modjo, Addas, mais l'avion se fait ensuite attendre. En raison du mauvais temps, Maillet s'est posé aux Addas pour attendre une éclaircie.


            A 13h03 exactement, Maillet se pose sur le terrain de Gefersa, aussitôt porté en triomphe tandis qu'un orchestre joue la Marseillaise avant une cérémonie d'accueil, le Négus remettant à Maillet les insignes de Commandeur de l'Étoile d'Éthiopie et une somme de 50.000 francs. Picaper recoie ensuite les insignes d'Officier du même ordre. S'ensuivent des discours de Reffye, puis du Négus qui, après avoir félicité les aviateurs, remercie le Belaten Guetta Wolde Maryam "qui a mis tout son zèle à exécuter Nos ordres pour l'acquisition de cet avion le quel fait aujourd'hui l'objet de Notre joie et l'orgueil de Notre pays."


            Ce Potez 25, qui portera le n°1, est ensuite baptisé au champagne du nom de "Nessre Tafari" (Aigle Tafari) par le jeune prince Makonnen.

  

Le Potez 25 n°1 "Nessre Tafari" de Maillet dans la livrée de ses débuts à Jan Meda.

[© Michel Barrière]

          ¤ Jeudi 5 septembre 1929 : Junkers "Rigbe Tafari"


            Les autorités françaises ne facilitent pas les formalités du Junkers W33c et interdisent son décollage depuis Djibouti. Le dimanche 25 août, le Junkers est donc transporté en caisse par le train à Dire Dawa. Il y est monté par le Baron Engel et ses deux mécaniciens. Le 27 août, Engel le décolle pour son premier vol à partir du torrent Laga Datchatou à sec.


            Le 5 septembre, après un dernier essai, Engel et Schmidt embarquent le docteur Bruns de Dire Dawa et son interprète Asfaw. Engel a pris en charge la veille au soir le courrier arrivé par le train de Djibouti : 14 sacs, dont un petit sac destiné spécifiquement au roi et un sac destiné au Dedjazmatch Emeru, gouverneur d'Harrar. Ce courrier arrimé dans la cabine de l'appareil est laissé sous garde pour la nuit. Pour faciliter le décollage, le lit de la rivière a été nivelé sur 300 mètres, mais les ravines d'une pluie nocturne obligent au matin Engel à modifier sa position de décollage.


            Engel effectue trois tentatives infructueuses avec l'avion en surcharge. Se rapprochant trop d'un coude de la rivière, il revient alors à son point de départ, dépose 70 kg de bagages et avec son chargement restant de 1060 kg parvient à décoller. Après 25 minutes de vol, il survole la ville de Harrar et largue sur la grand place marquée d'une croix blanche, le sac de courrier destiné au gouverneur. Il rejoint ensuite la voie du chemin de fer à la hauteur de Makadjillo, effectuant ensuite plusieurs détours pour éviter une zone orageuse. Peu après les Addas, il retrouve les rails qu'il suit jusqu'à la capitale.


            A Addis Abeba, l'hippodrome de Jan Meda a été retenu comme piste malgré les grands eucalyptus d'une trentaine de mètres de haut qui l'encadrent. Le roi et ses invités ont pris place dans la tribune officielle du terrain. Attendu vers 10h30, le Junkers retardé par l'orage n'apparaît qu'à 12h20 et largue devant la tribune le sac de courrier nanti d'une banderole aux couleurs éthiopiennes. Disposant encore de 2 heures d'autonomie, Engel poursuit sa démonstration au-dessus de la capitale en déposant une autre sacoche de courrier devant l'ambassade d'Allemagne.


            Après que le Comte Schaesberg ait tiré deux fusées vertes pour confirmer le bon état du terrain, le Baron Engel pose le Junkers devant la tribune. Après avoir félicité les aviateurs, le roi visite l'appareil d'une capacité en fret ou passagers évidemment supérieure au Potez. S'ensuivent les discours de l'ambassadeur d'Allemagne, puis du roi qui remet à Engel les insignes de Commandeur et d'Officier de l'Étoile d'Ethiopie, et le même somme de 50.000 francs qu'à Maillet.

 

            Le Junkers est ensuite baptisé "Rigbe Tafari" (Colombe Tafari), dénomination marquant indirectement son rôle, potentiellement moins guerrier que celui des Potez.

Le Junkers W33 à son arrivée sur le terrain de Jan Meda, près de la tribune officielle, le 5 septembre 1929. L'appareil porte sa livrée d'usine agrémentée de drapeaux éthiopiens sur le gouvernail et le fuselage. Le nom de baptême "Rigbe Tafari" et le lion de Juda sont par contre absents. [Coll Michel Barrière]

5 septembre1929, première liaison postale de Dire Dawa à Addis Abeba : le Junkers W33 piloté par le Baron Engel se présente au-dessus du champ de courses de Jan Meda. [Comité France Orient]

          ¤ Dimanche 22 septembre 1929 : Potez  25 "Nessre Asfawossen" et "Nessre Makonnen"


            Le mardi 17 septembre, Maillet et Schaesberg se rendent par le train à Dire-Dawa, accompagnés des mécaniciens Picaper, Baladé et Schmidt. Ils y arrivent le 18 septembre au soir. Ils se  mettent au travail dés le lendemain et le vendredi soir, le premier Potez est prêt. Le samedi après un essai, Maillet va survoler la ville de Harrar pendant que le second Potez effectue son premier essai aux mains de Schaesberg.


            Le dimanche 22, à 7h00 du matin, les deux Potez décollent. Le premier, piloté par Maillet, transporte Baladé et Picaper ; le second, piloté par Schaesberg, transporte Schmidt. Après avoir survolé Metahara, où un beau terrain a été aménagé par un colon, M.Nietzel, les deux appareils se posent à Jan Meda, après avoir louvoyé une demi-heure pour éviter brouillard et nuages. Ils y sont accueillis par Reffye et les deux fils du Roi.


            Les deux Potez, numérotés respectivement 2 et 3, sont baptisés du nom des jeunes princes : "Nessre Asfawossen" (Aigle Asfawossen) et "Nessre Makonnen" (Aigle Makonnen).

        Premiers services aériens

                        

            Fin 1929, la base d'attache des Potez et du Junkers est le terrain de Jan Meda (ou Janhoy Meda : le terrain de Sa Majesté) long de 900 m et situé à plus de 2000 m d'altitude. Les grands eucalyptus alentour rendent risqués les décollages à cette altitude. Faute de hangar, les appareils sont d'abord abrités sous des tentes en toile fabriquées hâtivement.


            Le 26 septembre, les avions participent aux grandes fêtes de la Mascale qui marquent la fin de la saison des pluies : deux Potez pilotés par Maillet et Schaesberg, effectuent une démonstration de voltige tandis qu'Engel, pilotant le Junkers, largue des feuillets portant un poème de circonstance en amharique.


            Le 6 novembre, le Baron Engel décolle avec le Junkers pour Goré, à 400 km de la capitale, transportant le docteur Meyenberger et un guide indigène en vue de ramener le Ras Nado, gouverneur de la province d'Haïlou Nabor, qui se trouve gravement malade. Engel survole Nono un peu avant midi, Gouma vers 15h00, puis Djimma à 16h00. Au retour, il est retardé par le brouillard et se pose près de Nono vers 18h00. Il rentre à Addis-Abeba au matin du 7 vers 08h00. Le malade décèdera peu après.


            La situation du pays est alors instable; troubles et soulèvements se multiplient dans le nord du pays, alimentés par les mauvaises récoltes de 1928. Des intrigues de palais se développent. En septembre, le Négus charge l'un de ses fidèles, le Ras Kassa Haile Darge, de rétablir l'ordre. Ce dernier envoie dans le nord des troupes gouvernementales, mettant à leur tête son deuxième fils, le Dedjaz Leul Abera Kassa. La rencontre avec les rebelles qui a lieu dans les premiers jours d'octobre est défavorable aux troupes gouvernementales qui perdent 2.700 hommes. Le Négus demande alors à Maillet et Engel d'effectuer des reconnaissances sur la zone insoumise. Fin novembre, la première de ces missions conduit à implanter à Dessye un terrain depuis lequel les avions pourront effectuer régulièrement des missions de reconnaissance.


            Le 3 décembre, les deux Potez et le Junkers participent aux cérémonies marquant l'inauguration du bâtiment voyageurs de la gare d'Addis Abeba.


            Le 19 décembre, le Junkers piloté par Engel et deux Potez pilotés par Maillet et Schaesberg décollent de Dessye pour Addis Abeba. Outre son mécanicien Schmidt, Engel transporte à cette occasion le Dedjazmatch Wolde Selassie, oncle du Négus et gouverneur de l'Ogaden. Une panne moteur alors que le Junkers n'est qu'à 7 mètres d'altitude provoque la chute de l'avion. Le pilote est indemne; le mécanicien légèrement blessé ne fait qu'un bref séjour à l'hôpital. Gravement blessé à la tête, le Dedjazmatch est transporté à l'hôpital de Dessye où il décède pendant la nuit.


            Le 20, Maillet ramène en Potez 25 le corps du défunt à Addis-Abeba où les honneurs lui sont rendus. Les deux pilotes allemands sont immédiatement renvoyés par le Négus ; Schmidt, une fois remis, rejoint l'équipe de Maillet. L'épave du Junkers, ramenée à Addis Abeba, est stockée dans un hangar de Jan Meda.

            En décembre, le pilote français Paul Corriger et son épouse sont arrivés à Addis-Abeba. Adjudant-pilote d'Istres en congé sans solde, Corriger, également sous contrat éthiopien, est venu seconder Maillet.


            Le 27 décembre, un Potez 25 piloté par Maillet - probablement le n°1 - emporte le courrier d'Addis-Abeba à Djibouti. Il en revient le 29 avec le courrier pour Addis-Abeba.


            Pendant ce temps, les effectifs de la dissidence se sont renforcés dans le nord et le sud du pays et ont atteint environ 28.000 hommes. Le Négus parvient néanmoins à acheter la soumission de plusieurs chefs insurgés, affaiblissant ainsi la rebellion. Après une vaste opération d'encerclement, les troupes gouvernementales auront provisoirement raison des rebelles en janvier 1930.       

Maillet et le Négus devant le Potez 25 n°1. Bien qu'il ait revêtu une tenue de vol, le Négus n'aurait jamais volé avec Maillet.

Le Négus n'aurait effectué son premier vol en Ethiopie qu'en novembre 1932.

1930

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