Crezan
F190
Crezan
F190

F.291 n°4 / 7335

F-ALUI


¤ Le Farman de Maryse Hilsz


            Dès la fin du raid Paris-Saïgon qu'elle a réalisé avec son Morane-Moth F-AJOE, Maryse Hilsz songe à repartir. Un entretien avec le ministre de l’Air, Jean-Louis Dumesnil, qui veut développer rapidement les liaisons avec les colonies lui permet d'obtenir une subvention pour un voyage Paris-Madagascar.

            Maryse Hilsz passe alors commande d'un Farman de grand tourisme. D'après la configuration de son appareil, il se pourrait que son premier choix ait été un F.199, finalement converti en F.291. En novembre 1931, elle s'entraine sur ce type d'appareil. Pour son voyage vers Madagascar, elle sera accompagnée d'un mécanicien de Gnome-Rhône, Dronne. Le 17 décembre, le Farman est amené de l'usine de Billancourt au terrain de Toussus-le-Noble et, à Noël, il est prêt pour réception.


            Début janvier, Burtin termine devant le S.T.I.Aé les essais officiels du F.291. Le 11 janvier, l'avion est enregistré avec le CdI 3046 et l'immatriculation F-ALUI.

            Maryse en prend aussitôt possession. Le moteur et l’avion sont vérifiés par Dronne et Maryse, pièce par pièce, et mis au point. Maryse effectue plusieurs vols d'entraînement à Toussus, ainsi que, le 24 janvier, des décollages et atterrissages de nuit au Bourget. Baptisé "Joe II", il emporte 1000 litres d'essence et 80 litres d'huile, soit un rayon d'action de 2000 km à 185 km/h. Il est équipé de magnétos Voltex RB et d'une hélice monobloc Chauvière.

¤ Paris - Madagascar


            Le dimanche 31 janvier 1932 à 12H55, Maryse Hilsz et Dronne s'envolent du Bourget. Les décollages en surcharge y étant interdits, ils se posent à Istres à 16h25 pour faire les pleins complets de l'avion. Le 1° février, ils atteignent Ain-Sefra. Le lendemain, ils font escale à Colomb-Béchar avant de se poser pour la nuit à Reggan. Le 3 février, après une navigation plus difficile, Maryse Hilsz se pose à Niamey en suivant le cours du Niger. Le jeudi 4 février, le Farman décolle de Niamey pour Zinder et Fort-Lamy. Après 45 mn de vol, la rupture d'une tuyauterie d'huile l'oblige à un atterrissage de fortune à Birni N'Konni (Berni N'Koma), à 80 km de Niamey. Pour Dronne, il est impératif de changer le moteur.


            Le moteur de rechange, que Jacques de Sibour lui apporte avec son F.291 F-ALER, n'arrive à Niamey que le 28 février. Dronne et Damet, le mécanicien de Jacques de Sibour, réparent l'avion. Maryse et Dronne repartent enfin le 15 mars. Le 16 mars, Maryse et Dronne sont à Fort-Lamy où ils se reposent deux jours avant de repartir vers Bangui où ils n'arrivent que le 18, ayant été arrêtés à Fort-Archambault par les tornades. Ils font ensuite escale à Bandundu (21/03), Élisabethville (23/03), Broken Hill (24/03) où la météo les bloque jusqu'au 27. Ils repartent le 28 pour Quelimane, Maryse endommageant l'avion en heurtant une souche à l'atterrissage. Le 30, réparation effectuée, le Farman s'envole pour Madagascar. La pluie réduisant la visibilité et son compas étant déréglé, Maryse se pose à Fianarantsoa plutôt que de continuer jusqu'à Tananarive où la foule l'attend. Ce n'est que le lendemain qu'elle rejoint à 12h35 le terrain d'Ivato, escortée en vol par deux Po 25 TOE de l’Escadrille de Madagascar. Elle y est accueillie par le gouverneur général Léon Cayla. Première aviatrice à atteindre Madagascar, elle sera fêtée pendant tout son séjour.


            Le 9 avril, Maryse et Dronne prend le chemin du retour, pour atteindre Quelimane. Alors qu'elle s'approche de la côte malgache, la température d'huile augmente et elle décide de se poser sur une plage pour vérifier le moteur. Au bout de trois heures, ils repartent prenant soin de survoler l'île de Juan de Nova, utilisée en 1929 par Goulette comme terrain de secours. Les problèmes du moteur reprenant, Maryse se voit obligée d'y poser son avion. L'accueil sympathique des pêcheurs seychellois se traduira malheureusement pour Maryse par une intoxication alimentaire. Deux jours après, l’aviso "Antarès" envoyé faire des recherches par le gouverneur les retrouve. Ayant laissé "Joe II" à la garde de Dronne et surmontant avec véhémence quelques difficultés du règlement maritime, Maryse est déposée à Majunga pour compléter son approvisionnement en essence et huile, puis ramenée sur l’îlot. Malgré un nouvel et violent accès de fièvre qui lui fait de nouveau perdre plusieurs jours, "Joe II" repart vers Quelimane le 25 avril.


            Le 26, le Farman s’envole pour Élisabethville, puis le 27 Léopoldville où Maryse est de nouveau stoppée par la fièvre. Le 30 avril à 14h00, le F.291 de Maryse Hilsz et Dronne se posent à Brazzaville où Maryse retrouve Salel. Le 2 mai, il rejoint Libreville et le "Marcel Lallouette" de Goulette et Salel avec lesquels ils voleront de conserve vers la métropole. Le 3, décollant à 7h00, les Farman rejoignent Ilorin, au Nigéria Britannique, à 13h45. Repartant le 4 à 6h40, ils sont à Gao à 12h30. Puis le lendemain, ils décollent à 8h05 pour se poser à Reggan à 15h40. Ils en repartent le 5 à 6h20, atteignant Oran la Senia à 12h40. Le 7 mai enfin, ils quittent Oran à 4h55. Parti à 5h00 le 7 mai, après une traversée facile de la Méditerranée, l'avion est ralenti par des vents contraires sur la terre et se pose à 13H34 à Montélimar et en repart à 16h00 pour se poser au Bourget à 19H30.

            Pendant le reste de l'année, Maryse Hilsz participe à diverses manifestations de propagande aérienne. En mai 1932, elle vole sur son F.291 à la fête d'Orly.

Le 1° juin 1932, elle fait un voyage au pays natal, décollant du Bourget à 8h00 pour se poser à Strasbourg à 11H00, reçue par André Helmer, président de l'aéro-club d'alsace et le colonel d'Harcourt. Elle est attendue à Mulhouse le 3 juin, puis accompagne le Tour de France des avions de tourisme jusqu'au 12 juin. Le 26 juin, elle est au meeting de Rouen.

            Le 3 juillet, elle se rend à Saint-Omer, revenant à Toussus le lendemain. Partie pour Amiens le samedi, elle revient à Toussus le dimanche avant de participer au rallye d'Auvergne, au rallye de La Baule le 24 juillet, à la Fête de l'Air à Joué les Tours le 18 septembre 1932.

Le F.291 F-ALUI "Joe II" à l'été 1932, portant le bandeau tricolore marquant son raid Paris - Madagascar. [© Michel Barrière]

Les avions du meeting de La Baule en juillet 1932. Au premier plan, "Joe II" laisse entrevoir une décoration diagonale sur sa voilure (Michel Barrière)

¤ Paris - Tokyo


            Début 1933, le F.291 est modifié, sa dérive de F.190 étant remplacée par une dérive moderne de type Farman 193.


            Le 1° avril, Maryse Hilsz accompagnée du mécanicien Lemaire quitte Le Bourget à 6h05, emportant 1200 litres d'essence et 120 litres d'huile, pour se poser à Brindisi à 15h45, heure locale. Le 2, elle rejoint Alep, qu'elle atteint dans le soirée après une courte escale à Athènes. Le 4, elle est à Karachi; le 5 à Calcutta; le 6, à Vientiane après un survol d'Akyab. Elle en repart le 7 à 7h00 pour se poser à Hanoi à 10h20, ayant parcouru 12000 km en 5 jours et 20 heures.

            Le gouverneur général Pasquier l'accueille quelques jours en Indochine avant la reprise de son vol vers Tokyo le 13, survolant Haiphong pour se poser à Hong-Kong. Le 14, elle est à Shanghai; le 15 à Séoul dont elle repart le 16 avril à 7h20 pour se poser  à 16h48 à Tokyo où son séjour dure une dizaine de jours.

            Le 27 avril, elle repart vers la métropole n'arrivant à Saigon que le 2 mai après un voyage contrarié par le mauvais temps. Elle fait ensuite escale à Rangoon, Allahabad, Karachi, Bouchir, arrivant à Alep le 12 mai. Elle en repart le 13 à 3h40 du matin, espérant atteindre paris dans la journée, mais avec le mauvais temps sur les Apennins, elle se pose à Lyon à 15h00. Après avoir ravitaillé, elle repart pour Paris, mais le brouillard la fait se poser à Romilly à 18h15. Décollant à 9h30, elle ne rejoint le Bourget que le lendemain, 14 mai.


            Les mois suivants, Maryse Hilsz effectue de nombreux voyages à Troyes (14 juillet), Albi (21 juillet), Zurich (28 août), Chambéry, Vichy, Clermont-Ferrand (7 septembre), Londres (25 octobre). Entre ces voyages, le F.291 lui sert pour s'entrainer à Toussus ou participer à des meetings.

            Le 23 juin, Maryse Hilsz participe à la journée du tourisme aérien à Orly (concours d'élégance) avec le Farman F.291 de Paul-Louis Weiller.

            Du 21 au 30 juillet, elle accompagne les avions du Tour de France des avions de tourisme organisé par l'Union des Pilotes Civils et Le Journal. Elle a à son bord Louise Faure-Favier, chargée de la radiodiffusion de chaque étape tout au long du parcours. Du 11 au 14 août, elle se rend à Zurich, rentrant à Paris par Berlin. Le 17 octobre 1933, Maryse Hilsz se pose à Croydon avec 3 passagers, dont Mlle Freddy Blinville et Louis Chatain. Le 17 mai 1934, elle participe au rallye féminin de l'Aéro-Club de France.


            Début 1934, Maryse Hilsz prend en main le Bréguet Bre 27S F-AKFM avec lequel elle réalise en avril un raid Paris - Tokyo - Paris, obtenant les records de distance et de vitesse. En juin, elle bat le record d'altitude avec 11.800 mètres sur Morane à Villacoublay. Son utilisation du F.291 passe de fait au second plan et devient plus discrète.


            Le 12 avril 1935, le F-ALUI est le deuxième F.291 converti en F.291/1. A la mi-1936, Maryse Hilsz le met en vente, peu avant d'acquérir le F.291/1 F-ALEZ de Paul-Louis Weiller.

  

Avec le raid Paris-Tokyo, la décoration de "Joe II" s'est enrichie d'un deuxième bandeau tricolore. L'appareil a reçu une dérive de F.193. [© Michel Barrière]

F.291-1 n°2 / 7335

30x112


                        

            Le 17 septembre, le F-ALUI est enregistré au nom de R Guilloux, partisan des républicains, qui leur cède aussitôt le Farman, équipé en version ambulance. Arrivé en Espagne dans la dernière décennie du mois d'août 1936, l'avion serait alors utilisé sur le front nord. Son rôle dans cette pèriode est incertain, compte tenu de la faiblesse et de l'ambiguité de la documentation pour ce type d'appareil.


            Un F.190, qui pourrait être le F-ALUI, est intégré dans l'escadrille Hernández Franch qui participe à la protection des Asturies. Basée à Bilbao-Sondica, cett escadrille comprend en outre un de Havilland DH-89M “Dragon Rapide”, un Miles M.2H Hawk Major, un Miles M.3H Falcon Six (tous deux équipés de racks leur permettant d'emporter 40 kg de bombes), trois Monospar (dont un ST-25 et un ST-12), deux Nieuport 71-52, trois Breguet 19, deux Fokker FVII-3m.

            Le Farman est sommairement transformé en bombardier doté de 400 kg de bombes lancés à la main par un trou dans le plancher, à l'instar du F.190 n°10 utilisé pendant l'insurrection révolutionnaire de Lisbonne en 1931.


            La base de Bilbao est commandée par Manuel Cascón Briega qui ne considère pas les appareils civils comme aptes à des missions de guerre et les laisse le plus souvent aux mains de pilotes étrangers dont deux Britanniques, Walter Scott Coates et Sydney Holand, et trois  Américains, Frederic Ives Lord, Bert Acosta, Gordon Berry et Eddie Schneider Jr. Début novembre l'escadrille est renforcée par 15 I-15 Chato arrivés par la mer à bord d'un navire soviétique.


            Le 4 octobre, le Farman intervient dans la défense d'Oviedo. Le 12 décembre, cette "force" tente une frappe sur l'aéroport Lacua de Vitoria. Le ST-25 piloté par un équipage composé de Sydney Holland, de l'observateur Gumersindo Guiterrez Merino et d'un troisième membre soviétique ou tchèque, plus rapide, arrive en premier et largue ses bombes avant d'être abattu par les Heinkel He-51. Le second Monospar, piloté par Walter Coates aurait selon les sources largué ses bombes ou fait demi-tour prématurément, et serait revenu intact ainsi que le Miles Hawk Major, piloté par Lord. Le second Miles et un Farman aurait également participé sans succès à cette mission. Les Américains auraient ensuite rapidement quitté le théâtre des opérations pour revenir aux États-Unis.


            A la chute de Bilbao, en juin 1937, les appareils survivants se replient vers la France ou divers terrains de la République. Le 20 octobre 1937, devant l'avance inexorable des troupes nationalistes, le F.291/1 piloté par Laureano Flamerich décolle de l'aéroport de Gijon-Carreño avec 4 personnes à bord, des techniciens de la base, pour se poser à Biarritz-Parme.

  

Le F.291 F-ALUI dans le Grupo 30 à Sabadell , sous les couleurs nationalistes.

[© Michel Barrière]



            Le 13 juillet 1939, le Farman, réfugié à Toulouse, est rendu à l'Espagne et intégré dans l'Ejercito del Aire avec l'immatriculation 30x112. Il est basé à Sabadell, mais il est impossible de dire jusqu'à quelle date il est resté en service. En septembre 1945, il est toujours affecté au 23° régiment de chasse à Reus, mais est en fait stocké dans l'arsenal de Logroño par suite d'un manque de pièces de rechange.


            Le 22 mai 1947, l'arsenal propose son retrait du service, qui est adopté le 3 septembre suivant.

Les Avions Farman

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F.198 n°2 F-ALUZ