Crezan
F190
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F190

F.190 n° 34 / 7158

F-AJJG


            Le 16 octobre 1929, le F.190 n°34 reçoit les CdN/CdI 2303, avec l'immatriculation F-AJJG. Il est enregistré au nom d'André Bailly. Entièrement peint en argent, il remplace le F.190 n°11 avec lequel Bailly a réalisé le raid Paris – Saigon et retour.


            Rééquipé avec le moteur GR5 Ba n°5106 du F.190 n°11, doté d'une hélice métallique Levasseur, le F.190 n°34 marque une étape dans la configuration des F.190 de grand tourisme. Il possède en effet une voilure renforcée intégrant des réservoirs contenant un total de 770 litres de carburant, grâce à des réservoirs d'ailes agrandis à 275 litres chacun et à l'ajout de deux réservoirs de bord d'attaque situés à l'emplanture de chaque aile et contenant 120 litres supplémentaires.


            Cette modification sera largement reprise sur les F.190 de raid et de grand tourisme. Elle sera également utilisée, sous une forme différente, sur des F.192 en intégrant dans le bord d'attaque d'une aile un réservoir d'huile.


            L'appareil est par ailleurs équipé de magnétos Scintilla, de bougies Vénus, d'amortisseurs Messier et de pneus Dunlop/Palladium.

Le réservoir d'essence du bord d'attaque gauche du F-AJJG. Le raccord du tuyau d'alimentation est à l'extérieur du fuselage. (Coll Michel Barrière)

¤ Le raid Paris-Madagascar


            L'avion est essayé, puis réceptionné par Coupet le 23 octobre. Le 25, Coupet effectue les essais des freins Messier qui viennent d'être montés. Le 26, l'équipage effectue les derniers réglages de l'appareil. Les pleins sont faits dans la soirée du 27.


            Le 28 octobre, le F-AJJG décolle à 6h10 malgré la brume présente sur le terrain, atteignant Oran à 16h30 après 10h25 de vol et 1500 km parcourus. Partis le lendemain à 5h30, ils se posent à Reggan à 17h00, après une escale de ravitaillement à Colomb-Béchar, ayant parcouru 1640 km dans la journée.


            Le 30 octobre, départ à 6h00. Ils atteignent Niamey à 16h00 après 10h20 de vol et 1630 km. Le 31, une courte étape (800 km) les amène à Zinder. Le 1° novembre, partis à 5h30, ils ravitaillent à Fort-Lamy à 10h00 et font escale à Fort-Archambault pour arriver à Bangui à 16h30 après une étape de 1775 km.

            Le 2 novembre, après une escale à Coquilhatville, ils se posent à Luluabourg (1300 km) puis, le 3, arrivent à Broken Hill à 16h00 après une étape assez dure du fait des tornades. Le 4, après un départ à 7h00, ils atteignent Quelimane à 14h00 après un vol de 1000 km. Enfin le 5, après la traversée du canal du Mozambique et au terme d'une étape de 1000 km, le Farman se pose à Ivato à 14h00, battant en 84h25 de vol le record que venait d'établir Marcel Goulette avec son F.192 n° 3.

Le F.190 F-AJJG du raid Paris - Madagascar. [© Michel Barrière]

Le F-AJJG avant son départ du Bourget.

Au premier plan, Marsot, Bailly et Reginensi [Coll Michel Barrière]


            Le 12 novembre, après une semaine de repos, les aviateurs prennent le chemin du retour, le F-AJJG chargé de courrier; ils atterrissent à Quelimane à 14h00, après 6h00 de vol.

            Le lendemain, Bailly, Reginensi et Marsot font escale à 16h00 Élisabethville après avoir contourné quelques tornades. Ils repartent le 14 à 5h30 pour se poser à 16h30 à Coquilhatville au terme d'une étape de 1950 km. Ils atteignent le 15 Bangui à 12h00 pour un ravitaillement, en repartent à 13h00 et se posent en fin de journée à Fort-Archambault.

            Le 16, ils rejoignent Fort Lamy, puis Zinder. Repartis le 17 à 7h00, ils ravitaillent à Niamey à 10h15, puis se posent à Gao à 15h00. Le 18, traversant le désert, ils se posent à Adrar à 15h00. Le lendemain, partis à 6H00, ils ravitaillent à Colomb-Béchar de 9h00 à 10h00, atteignent Malaga à 14h45 et se posent à Carthagène en fin de journée.

            Le 20, partis à 6h00, ils survolent Perpignan à 10h00, Lyon à 12h45, se posent à Dijon de 13h40 à 14h10 pour arriver au Bourget à 16h00 devant un parterre d’autorités dont Laurent-Eynac, le commandant Dagnaux et bien entendu les frères Farman.


            A son retour, le Farman est gratifié sur le côté gauche du capot d'une grande inscription rappelant les raids effectués : Paris – Saigon – Paris et Paris –Tananarive – Paris. Reginensi et Bailly recevront la médaille d’Or de l’Aéroclub de France, tandis que Marsot se contente de la médaille de Vermeil.

            Par la suite, le F-AJJG - ou son prédécesseur le F-AIYM - participeront à de nombreuses manifestations et meetings sans que l'on puisse toujours identifier lequel est concerné. Du 5 au 8 décembre 1929, l'un d'entre eux est exposé à Luna-Park pour la caisse de secours de la Fédération des Anciens Coloniaux.


            En avril 1930, apprenant l'accident de Goulette, Marchesseau et Bourgeois, Bailly et Reginensi repartent du Bourget vers l'Afrique. Le 26, ils quittent Perpignan à 7h30 vers Tanger et Meknès. Le 27 à 9h00, ils se posent à Colomb-Bechar venant d'Oujda. Le 28, ils rejoignent à Eleouit le Laté 26/6 F-AJGF de la Compagnie Générale Transsaharienne piloté par Charles Poulin. Tous deux arrivent le 29 à Gao. Le 30, ils embarquent l'équipage de Goulette retrouvé par le Groupe nomade du Tigétrin et repartent vers Alger. Le 2 mai, ils font escale à Meknès. Repartis le 3 mai à 6h00, ils sont à Sintra à 11h15. Ils en repartent le lendemain à 11h20 pour se poser à Biarritz-Parme à 19h35. Repartis le 5 à 5h45, ils font escale à Rochefort de 12h00 à 13h50 pour arriver au Bourget à 16h22.


            Les 8 et 9 juin 1930, le F.190 n°34 participe aux Journées Nationales de l'Aviation à Vincennes. Le 6 juillet 1930, il participe sous le n°3 (couleur donnée comme grise, 6 places) au rallye aérien international de Clermont-Ferrand, avec comme pilote Reginensi, Bailly s'étant également inscrit avec son MS 230 rouge sous le n°2. Il remporte le rallye de Clermont-Ferrand avec 1287 km devant le F.190 d'Avignon.


            A la fin de 1931, Bailly effectue un voyage en Afrique avec son Farman. Le 28 novembre, il se pose à Casablanca avec le F-AJJG; il est accompagné de son épouse. Le 2 décembre, il se pose à Marrakech avec deux amis à bord. Il y passe une huitaine de jours avant de continuer vers l'AOF.

  


            En 1932, l'Aéro-Club du Rhône et du Sud-Est (ACRSE) décide d'acquérir un avion "qui fasse référence dans la région". Le F-AJJG, acheté 75.000 F, est inauguré en grande pompe à Bron le 24 juin 1932 et baptisé "Ville de Lyon". L'appareil n'est enregistré à l'Aéro-Club du Rhône qu'en juillet 1932. La marraine de l'avion, marqué d'une bande diagonale bleu et rouge et orné du fanion du club et du blason de la ville, est Madame Herriot, épouse du maire de Lyon. Enregistré le 16 juillet 32 à l'ACRSE, le F-AJJG représentera bien sûr le club aux grands meetings aériens qui suivront : Rallye d'Auvergne en juillet 1932, piloté par Burlaton et Rongeat (N°25); Journées Internationales d'Aviation de Lyon du 15 au 18 juin 1933. Le 18 juin 1933, Antoine Chailloux est aux commandes du F-AJJG lors d’une présentation de 30 mn. Par la suite, membre de l’aéroclub, il effectue de nombreux vols à son bord. L’aéroclub continue d’utiliser l’avion jusqu’au 1er trimestre 1937.

Le F-AJJG "Ville de Lyon" dans sa livrée de l'Aéro-Club du Rhône et du Sud-Est. [© Michel Barrière]

Extraites de cartes postales de l'époque, ces 3 vues montrent le F.190 F-AJJG dans la livrée de l'Aéro-Club du Rhône et du Sud-Est.

[Coll Michel Barrière]

            Cependant, dès 1934, le Farman se révèle inadapté aux besoins du Club. Le 8 février 1935, lors de la réunion du comité d'administration, Burlaton expose "que le Farman 190 est un poids lourd pour le Club, qu'il n'est pas utilisé comme il aurait dû l'être d'après les prévisions et qu'il serait sans doute opportun de s'en défaire à l'occasion, même en consentant un certain sacrifice pécuniaire, pour le remplacer par un appareil plus moderne qui donnerait beaucoup plus de satisfaction et de rendement, qui serait plus économique et qui en tout cas serait mieux à même d'être utilisé par un plus grand nombre de pilotes."


            La mise en place des Sections d'Aviation Populaire est fatale aux Farman 190 par les choix qu'elle impose aux Aéro-Clubs. A la fin de l'année 1936, le AJJG est mis en vente par notamment une annonce dans Les Ailes : "A vendre au plus offrant Farman 190 Titan 230 cv, bon état de vol, tous papiers en règle. Rongeat, Aéroport de Bron (Rhône)." La création de la SAP de Lyon est décidée lors du conseil d'administration du 25 janvier 1937 et le 16 avril 1937, le ministre de l'air accorde son agrément à l'ACRSE pour la gestion d'une SAP.

Du fait de la mise en service de l'aérogare moderne de Lyon-Bron, et de la dynamique de l'Aéro-Club, le Farman F.190 "Ville de Lyon" est probablement l'un des plus représentés en carte postale. A gauche, la décoration du nez de l'appareil devant les nouveaux bâtiments. [Coll Michel Barrière]


            Entretemps, le F-AJJG a été vendu. Le 1° avril 1937, il est enregistré au nom de Jacques Leroy.


            Le 23 septembre 1937, il passe au nom de Max Normand (Drancy), dont la société de services aériens "Maison Max Normand" organise des baptêmes de l'air à partir du Bourget. Baptisé "Yoyo II", il est peint dans un schéma original (probablement rouge et blanc).

            Il est toujours en activité en 1939 avec 733 h de vol.


            Probablement réquisitionné, son sort ultérieur est inconnu.

Le F-AJJG des baptêmes de l'air de Max Normand au Bourget.

[Coll Michel Barrière]

Carte publicitaire de la Maison Max Normand représentant le Farman F-AJJG. La dérive vierge de tout insigne indique que la photo a probablement été prise peu après l'arrivée de l'appareil. [Coll Michel Barrière]

Restitution de la dernière livrée du F.190 F-AJJG. Nom de baptême de l'avion : "Yoyo II"

La couleur rouge est hypothètique. Le dessin sur la dérive est indéterminé.

[© Michel Barrière]

Les Avions Farman

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F.192 n°3 F-AJJB