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Ethiopie
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Ethiopie 1929-1936

Les avions du Négus

Fiat AS.1 et Breda Ba.15


Le Fiat AS.1


            Les appareils arrivés en Ethiopie en 1929, Potez 25 et Junkers W.33, offraient sans ambiguité une réponse à des objectifs immédiats du gouvernement éthiopien. Le Junkers W.33, avion personnel du Négus serait l'avion personnel du Négus et, plus généralement, un avion de transport de personnalités. Les Potez 25 assureraient les transport plus courants et pouvaient assurer des missions de police, formant malgré tout la base d'une future aviation nationale. Leurs noms de baptême respectifs : Colombe (Rigbe) pour le Junkers, Nessre (aigle) pour les Potez, étaient discrètement révélateurs de la perception qu'avait le Négus de leur rôle.

            Cependant un objectif indispensable pour la formation d'une force aérienne nationale n'était pas représenté dans cette aviation balbutiante : la formation de pilotes nationaux éthiopiens. La commande correspondante en fut faite à l'Italie.


            L'agent de Fiat en Ethiopie, Michel Balanos, dut jouer un rôle significatif dans cet achat. Né en 1871, cet ingénieur d'origine grecque vivait depuis 1912 en Ethiopie où il fut consul de Grèce en 1922-1923. Il avait la confiance du Négus qui lui confia de nombreuses constructions et continuera les années suivantes lorsque, devenu empereur, il voudra moderniser sa capitale.

            L'appareil retenu fut un Fiat AS.1, petit appareil de tourisme moderne, retenu par la Regia Aeronautica en février 1929 comme appareil d'entrainement et de liaison. C'était néanmoins un monoplan parasol de construction très traditionnelle, avec une structure bois recouverte de contreplaqué, motorisé par un Fiat A.50 de 90 cv.


            A l'instar des appareils français et allemands, le Fiat aurait pu être mis en service par un pilote italien. Cependant, selon certaines sources, André Maillet se serait opposé avec succès à cette option et Michel Balanos s'en souviendra.


            C'est le 1° janvier 1930 que le Fiat AS.1 arrive en caisse à Addis-Abeba. Cette arrivée fut plus discrète que celle des Potez et Junkers. Après montage, la remise de l'appareil fut très solennellement effectuée en présence de l'ambassadeur d'Italie, Guiliano Cora, et de diverses autorités italiennes et éthiopiennes.


            Nous n'avons pas de traces de son utilisation pendant les premiers mois de 1930, hormis quelques photos le montrant sur le terrain de Jan Meda dans les mains de l'équipe dirigée par Maillet et Corriger. Le fuselage semble être en bois verni et les ailes entoilées sont gris argent. Sur le fuselage, l'avion porte le Lion de Juda et les marques du type. Le gouvernail est peint aux couleurs éthiopiennes, les ailes ne portent pas de cocardes.


            En ce début d'année 1930, le Fiat est le seul appareil susceptible d'être utilisé pour la formation de base des futurs pilotes éthiopiens. C'est peut-être la raison pour laquelle Maillet facilite en mars, sous réserve d'une option d'achat par le gouvernement éthiopien de leur Morane-Moth DH.60M, l'arrivée de Jacques et Violette de Sibour. Maillet et Corriger ne pouvant assurer la formation des élèves éthiopiens tout en répondant aux demandes de transport, l'embauche par le gouvernement éthiopien d'un nouveau pilote dédié à ctte têche est décidée.


            C'est en avril 1930 que Gaston Vedel, ancien de l'Aéropostale, arrive à Addis-Abeba pour prendre en charge la formation des pilotes éthiopiens, sujet sur lequel il entre en conflit avec Maillet. Engagé pour assurer la formation de pilotes éthopiens, Gaston Vedel veut respecter un objectif important pour le Négus : former des pilotes avant les fêtes du couronnement. Il suggére pour cela d'éloigner l'école d'Addis-Abeba pendant la saison des pluies d'autant que l'environnement montagneux et le terrain de Jan Meda se prêtent mal à l'apprentissage des élèves. Il estime que, bien utilisés dans un environnement favorable, les trois mois restants avant le couronnement devraient être suffisants pour breveter les meilleurs élèves éthiopiens. Il semble que Maillet préfère attendre la disponibilité du terrain d'Akaki. Par ailleurs, compte tenu de ses expériences antérieures, notamment en Indochine, il est peut-être plus réservé que Vedel sur les chances de succés.


            Ayant obtenu gain de cause, Vedel est rattaché directement à Tadesse Machecha et chargé d'installer l'école de pilotage à Djidjiga, à 500 km d'Addis-Abeba, où il disposera d'un terrain nu et dégagé, à faible altitude et d'un climat sec. Six élèves soigneusement choisis, Vedel, le mécanicien Picaper, rejoignent par le train Dire-Dawa. Le Fiat AS.1 et le DH.60M démontés pour le transport par train, sont remis en état de vol et Vedel assure leur convoyage sucessif en vol depuis le "terrain" de Dire-Dawa, c'est à dire le lit de la rivière asséchée.

Sur le terrain de Jan Meda, l'équipe de l'aviation éthiopienne pose devant le Fiat AS.1 fraichement arrivé. De g. à dr. : Jacob Sarafian, X (aide-mécanicien éthiopien), Jean Baladé, Fernand Picaper, André Maillet, Paul Corriger.

Le Fiat AS.1 à Djidjiga en août 1930.

Il ne sera pas remis en état.

Fiat AS.1 éthiopien.

Bois verni, parties entoilées peintes en gris argent.

[© Michel Barrière]


            Ayant obtenu gain de cause, Vedel est rattaché directement à Tadesse Machecha et chargé d'installer l'école de pilotage à Djidjiga, à 500 km d'Addis-Abeba, où il disposera d'un terrain nu et dégagé, à faible altitude et d'un climat sec. Six élèves soigneusement choisis, Vedel, le mécanicien Picaper, rejoignent par le train Dire-Dawa. Le Fiat AS.1 et le DH.60M démontés pour le transport par train, sont remis en état de vol et Vedel assure leur convoyage sucessif en vol depuis le "terrain" de Dire-Dawa, c'est à dire le lit de la rivière asséchée.


            Le 5 août, après un aménagement sommaire du site, l'école commence à fonctionner, mais il n'existe alors aucun abri pour les appareils. Le DH.60M, à la structure métallique, n'en souffre pas exagérément. Il n'en est pas de même pour le Fiat dont la structure en bois et contreplaqué ne supporte pas les fortes variations de température entre le jour et la nuit. Constatant quelques jours après leur arrivée l'importance de la déformation, le mécanicien Picaper alerte Vedel qui effectue aussitôt un vol d'essai. Il doit constater que l'avion n'obéit plus guère aux gouvernes et effectue un atterrissage difficile qui se termine en pylone. La mort dans l'âme, Vedel décide de ne plus utiliser le Fiat que pour la formation au sol lorsque le temps est trop chaud pour voler.


            Le 25 septembre lorsqu'il ferme l'école de Djidjiga, le Fiat est laissé sur place. L'école de Djidjiga ne sera pas réouverte, mais déplacée en 1931 à Dire-Dawa. L'épave du Fiat aurait été retrouvée en 1936 par les Italiens.

Le Breda Ba.15

            

            A l'occasion du couronnement de l'Empereur, le gouvernement italien, peut-être à la suite de l'accident survenu au Fiat AS.1, a décidé de lui offrir un nouvel appareil, en l'occurence un Breda 15. L'appareil arrive probablement par le train avant d'être assemblé das les hangars de Jan Meda. Si l'on en croit la Stampa, le Breda, piloté par Marazzani,  aurait participé au vol de groupe de l'aviation éthiopienne le 2 novembre. A l'issue de la messe du couronnement, trois appareils auraient survolé la cérémonie [Waugh]. Compte tenu du faible nombre de pilotes expérimentés, la chose est tout à fait possible.


            Ce n'est cependant que le 5 novembre que la colonie italienne est à la fête pour la remise officielle de l'appareil à l'Empereur. Après les courses de chevaux à Jan Meda, l'empereur suivi des ras Hailu, Seyoum et Kassa se rend sur l'aérodrome où l'attendent le Prince d'Udine, qui représente le Roi d'Italie, les membres de sa délégation italienne ainsi que la colonie italienne au grand complet. Sur le terrain a été préparé le Breda 15, don du gouvernement italien à l'Empereur. Ce dernier examine attentivement l'appareil qui comporte le blason impérial sur la dérive, puis se fait expliquer le fonctionnement du moteur, priant les mécaniciens de le faire tourner. Il se fait ensuite présenter le pilote, le comte Marazzani, avec lequel il s'entretient cordialement des performances de l'appareil. D'apès une photo figurant dans les archives du Frioul, l'appareil porte sur les flancs une bande tricolore vraisemblablement aux couleurs éthiopiennes ( et italiennes!), jaune, vert et rouge; sa couleur générale, inconnue, pourrait être dans une tonalité verte (?).

            Sitôt l'entrevue terminée, le comte Marazzani décolle l'appareil pour une splendide présentation acrobatique qu'il termine par une descente en spirale pour se poser sur une courte distance de 40 mètres devant la tribune improvisée pour l'Empereur.


            Nous ne connaissons rien de la vie opérationnelle de l'appareil jusqu'en 1935. Curieusement, il n'apparait pas sur les photos montrant la flotte aérienne du Négus, alors que le Moth est parfois présent.

            A l'automne 1935, il est présent sur le terrain d'Akaki et utilisé probablement dans le cadre de l'écolde de pilotage dirigée par John Robinson.


            En mai 1936, le Breda 15 est retrouvé par les Italiens et rassemblé sur le terrain d'Akaki avec les autres survivants de la flotte éthiopienne. Il est considérablement endommagé, les ailes désentoilées.

Le Breda 15 en 1935 sur le terrain d'Akaki. La partie inférieure de la bande tricolore de fuselage est peu visible sur cette photo. [Coll. Michel Barrière]

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