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Ethiopie


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1935 (1) : Avant la guerre

          ¤ Janvier

            

            Le 7 janvier, le major Hans Steffen, consul général d'Ethiopie à Berlin et agent nazi du ministère de l'air et de Goering, arrive à Djibouti par le s/s Chenonceaux des Messageries Maritimes. Il vient proposer à l'Empereur la fourniture d'avions et d'armements anti-aériens. Son offre comprendrait jusqu'à 80 appareils modernes, accompagnés par une équipe de techniciens allemands.

            Alors que la tension monte avec l'Italie, l'Allemagne lance donc une initiative commerciale alors que son ministère des Affaires Etrangères cherche à ménager l'allié italien.

            Ayant appris sa venue, l'Italie proteste auprès du Ministère allemand des Affaires Etrangères d'Allemagne qui lui affirme refuser toute vente de materiel militaire à l'Ethiopie. Steffen, qui agit semble-t-il sous la direction de Goering qui mène sa propre stratégie doit remiser ses propositions, même si la fourniture de divers matériels par des firmes allemandes se poursuivra discrètement dans les mois qui suivent.


            Le retrait de l'offre allemande est d'autant plus facile que Steffen a rencontré sur place une difficulté inattendue : Weber affirme en effet pouvoir équiper l'aviation éthiopienne pour 60% du prix demandé par Steffen, avec comme premier objectif la construction de trois appareils d'entrainement pour le 1° juin 1935, ce qui sséduit évidemment le Négus.

            Les dirigeants allemands, considèrant que Weber n'a pas les compétences requises pour constituer une menace industriellement crédible, laisseront faire.

          ¤ Février


            Le 4 février, l'adjudant-chef mécanicien Yvan Demeaux, qui avait participé au convoyage du Farman 192 offert au Négus pour son couronnement, maintenant détaché auprès du gouvernement éthiopien, arrive à Djibouti avec sa femme et sa petite fille sur le paquebot SS Athos II et rejoint immédiatement Addis Abeba pour renforcer l'équipe française.

          ¤ Mars


            Le 10 mars, M. Schlepp, monteur de la société Lorraine, débarque du s/s Général Metzinger avec son épouse et ses deux filles. Il précéde l'arrivée de deux Fokker FVIIa à moteur Lorraine 450 cv.


            Le 16,  Ato Ballatchaou se rend d'Addis Abeba à Djibouti à bord d'un Potez piloté par Asfaw Ali. L'avion repart le lendemain 17, faisant escale à Dire Dawa pour prendre Lorenzo Taezaz.


            Fin mars, le Major Steffen quitte l'Ethiopie fin mars, après l'arrivée du nouvel ambassadeur allemand en Ethiopie.

          ¤ Avril


            Le 11 avril, l'Empereur prononce devant le Parlement d'Addis-Abeba un grand discours en faveur de l'union nationale et de la défense nationale, présentant un programme de formation militaire. L'instruction militaire devient obligatoire en Ethiopie, mais pour l'instant sera d'abord donnée aux fonctionnaires.


            Le 12, Hubert Julian revient en Ethiopie. L'Empereur refuse de le recevoir ; Julian devra attendre juillet pour se voir confier la formation militaire pour l'infanterie des fonctionnaires des travaux publics.


            Ce même mois, Tadesse Machecha présente à la presse sur le terrain d'Akaki les pilotes et appareils de l'aviation impériale éthiopienne. Y figurent le Farman 192, le Fokker trimoteur, le DH Moth, deux Potez-Lorraine, deux Potez-Hispano, le Breda et le Junkers. L'un des deux Potez-Hispano est revenu pendant la présentation, piloté par Babitcheff, qui revient d'effectuer une campagne de photographies sur Axoum.

Présentation des appareils éthiopiens à la presse en avril 1935. Au premier plan, un Potez 25 - Lorraine. La plupart des pilotes et les soldats sont pieds nus. Il ne s'agit pas d'un manque de chaussures, mais d'une consigne de l'Empereur pour ne pas affecter leur rapidité habituelle. [www.gahetna.nl]

Avril 1935 : en uniforme français, Asfaw Ali et Bahru Kaba posent devant le F.192. [La Voix de l'Ethiopie]

          ¤ Mai


            Le transport de VIP par les appareils éthiopiens reste soutenu, mais les activités de surveillance près des frontières se développent.


            Le 2 mai, le pilote noir américain John C. Robinson quitte Chicago, l'Empereur ayant accepté ses propositions de service.      

            Le 11, un Potez 25 / Hispano piloté par Bahru Kaba accompagné de Maignal transporte vers Harrar le Dejazmatch Nasibu Zamanuel. Surpris par d'épais brouillards, le pilote est obligé d'atterrir au sud de Harrar.

            Le 13, Bahru Kaba tente de repartir vers Dire Dawa. Obligé d'atterrir de nouveau, à Kori Bouralé, il heurte une termitière qui se confondait avec le terrain. Il n'y a pas d'accident de personne, mais l'hélice et les roues sont gravement endommagées. Un camion est envoyé de Djidjiga pour y ramener Bahru et Maignal. Les deux aviateurs regagnent ensuite Dire Dawa et rentrent par le train.


            Le 16 mai, le trimoteur Fokker piloté par Corriger quitte Addis Abeba pour Debre Marcos, capitale du Godjam, transportant l'épouse et les enfants du Ras Emeru. L'avion ne met qu'une heure pour parvenir à destination ; il est de retour à Addis Abeba en fin de matinée.


            Le 27, l'épouse du Ras Nasibu, dont le mari vient d'être nommé gouverneur de Harrar, venant de Balli avec ses enfants, rejoint Addis Abeba à bord d'un appareil piloté par son frère, Mishka Babitcheff.

            Fin mai, Robinson arrive discrètement à Addis Abeba, se faisant passer pour un tailleur éthiopien émigré aux Etats-Unis.


            Ce même mois de mai, les deux Fokker F.VII à moteur Lorraine arrivent  en caisse à Djibouti où, remontés, ils effectuent quelques vols d'essai. Ces appareils sont aménagés pour le transport de huit passagers ; le poste de pilotage est à double commande. Ils peuvent être transformés pour le transport de 4 malades couchés.

  

Le FVIIa "Abba Dagnew" en 1935 [© Michel Barrière]

Deux Potez 25 - Lorraine en 1935, avant l'attaque italienne.

[Les Ailes]

          ¤ Juin


            Le 12, les deux Fokker F.VIIa pilotés par Corriger et Babitcheff quittent Djibouti et font escale Dire Dawa.

            Le 14, ils repartent de Dire Dawa pour Akaki.      


          ¤ Juillet


            Le 7 juillet, la Croix Rouge Ethiopienne est créée à Addis-Abeba.


            Le 9, Georges L. Steer, envoyé spécial du Times, débarque du s/s Porthos à Djibouti. Futur auteur de "Caesar in Abyssinia", il est le premier grand correspondant de guerre à s'installer à Addis-Abeba.

            La presse internationale mentionne la permission demandée par l'Empereur au gouvernement suédois d'engager des aviateurs militaires comme instructeurs pour l'aviation éthiopienne, demande qui sera courtoisement refusée.


            Le 13, la menace de conflit s'affirmant, la perspective de création d'une escadrille de combat provoque l'arrivée de volontaires étrangers.

            Depuis la France, l'américain Hilaire du Berrier annonce qu'avec l'aide du major Granville Pollock, ancien de l'escadrille Lafayette, il a recruté 12 aviateurs américains pour l'Ethiopie bien que le gouvernement américain, au nom de la neutralité, interdise ce type d'engagement.

            Ce même jour, en Ethiopie, Hubert Julian est reconnu comme citoyen éthiopien et officiellement repris dans l'armée éthiopienne. Il ne sera cependant pas réaffecté à l'aviation, mais à l'entrainement de recrues, des employés de l'administration éthiopienne, pour le service dans l'infanterie.


             Le 23 juillet, c'est le 44° anniversaire d'Hailé Sélassié 1°.

            Jean Alloucherie, envoyé spécial de Paris-Soir, est arrivé quelques jours avant à Addis-Abeba. Paris-Soir a publié en mai, sous la signature d'Henry de Monfeid, un long reportage sur l'Erythrée, particulièrement favorable aux Italiens.

            Dans la nuit, il rencontre Hubert Julian dans la boite de nuit d'Addis-Abeba "le Perroquet".


            Le 24, un Potez 25 - en mission ou vol d'entrainement - survole Addis-Abeba.

            

            Fin juillet, l'Empereur reçoit le Colonel Feodor Konovalov, un russe blanc qui a fui son pays pendant la révolution. Arrivé en Ethiopie en 1919, il est devenu citoyen éthiopien et travaille pour le bureau des Travaux Publics. Le Négus le charge de prendre contact avec le Ras Seyoum Mengesha, commandant du Tigré occidental pour examiner les possibilités de renforcer les défenses du nord en cas de guerre. C'est un Potez 25 qui emmène Konovalov à Makale, d'où il rejoint Adwa par la route.

          ¤ Août


            En août, Maignal reçoit du député Renaitour une demande de soutien à l'embauche d'un pilote de l'Armée de l'Air suivie d'une lettre de ce dernier : il s'agit d'Abel Guidez qui rejoindra plus tard l'Espagne républicaine. Maignal confirme l'accord de principe des autorités éthiopiennes, mais ce projet ne se réalise pas.


            Le 7, sous la présidence de l'Empereur, se déroule la cérémonie d'inauguration de la Croix Rouge Ethiopienne.


            Le 8 dans le restaurant de l'Hotel de France, des journalistes provoquent Julian en lui présentant des articles de la presse américaine mentionnant son remplacement à la tête de l'aviation éthiopienne par John Robinson, surnommé "The Brown Condor", que Julian n'a jamais rencontré. Robinson, qui loge dans l'hôtel,  survient sur ses entrefaites et doit affronter Julian hors de lui. Une bagarre s'ensuit. Les journalistes séparent les deux hommes. Julian est aussitôt dégradé par l'Empereur. Réintégré dans les jours qui suivent, il est éloigné d'Addis-Abeba en étant nommé gouverneur militaire d'Ambo où l'Empereur l'envoie entrainer des fantassins.


            - Le 17, l'Empereur offre le thé au petit Gibbi à une quarantaine de journalistes (dont 4 femmes).


            Le 19, Evelyn Waugh et Francis W. Rickett arrivent à Djibouti par le s/s Athos II.

          ¤ Septembre


            En septembre 1935, arrivent plusieurs pilotes que l'on retrouvera ensuite en Espagne comme Hugh Oloff de Wet, Hilaire du Berrier, Vincent Minor Schmidt. Dans l'attente d'un éventuel contrat, ils monopolisent avec les journalistes les chambres des hôtels d'Addis Abeba (Hôtel Impérial, Hôtel d'Europe, etc.) et la boîte de nuit "le Perroquet". Cette affluence d'aventuriers étrangers et de journalistes inoccupés pose problème : à la mi-septembre, une bagarre fait un mort et une dizaine de blessés.


            L'Ethiopie a peu d'appareils : sur les 6 Potez 25, trois sont en bon état; deux Potez-Hispano accidentés lors de missions à Harrar et sur le Tigré sont indisponibles pour 2 à 3 mois; le Potez équipé de doubles commandes ne sert qu'à l'instruction des pilotes et, souvent accidenté, ne vaut plus grand chose. S'y ajoutent les 3 Fokker et le Farman 192. Le DH Moth n'est utilisé que pour l'écolage, le Breda 15 est inutilisable. Le Junkers W33c, récemment accidenté, est en cours de réparation par Weber et ses mécaniciens.

            En septembre, les avions, principalement les Potez et le Junkers commencent à transporter armes et munitions vers les unités. Les décollages ont souvent lieu de Jan Meda, plus proche des lieux de stockage des munitions, le terrain d'Akaki étant en outre en travaux.

            Les pilotes éthiopiens capables de missions de guerre sont peu nombreux. Ce sont esssentiellement ceux formés en France : Babitcheff, qui a déjà 700 heures de vol et les lieutenants Bahrou Kaba, Tesfa Mikaël et Asfaw Ali, ce dernier ayant alors 500 heures à son actif. Il faut y ajouter l'américain John Robinson, pilote expérimenté mais sans formation militaire. Les derniers brevetés, Seyoum, Damaka et Demissié n'ont évidemment pas la même expérience.


            Le 1° septembre, le pilote Hugues Oloff de Wet débarque à Djibouti du s/s André Lebon.


            Le 12, deux Potez 25 rallient Dessie et Magdala, les centres de recrutement de la zone nord, transportant chacun 300 kg d'armes et munitions.

            Le 18, un Potez 25 piloté par Bahru, emporte des munitions à Debre-Tabor.


            Le 19 au soir, l'empereur invite à dîner les 45 journalistes présents. Leur ayant interdit les déplacements dans le pays, il leur indique dans quelles conditions ils pourront le suivre dans ses déplacements sur le front.


            - Vers le 20 septembre, un Potez amène de Makale le Nagadras Wodaju Ali qui vient tenter de convaincre l'empereur de la trahison du Ras Haïlé Sélassié Gugsa, grassement payé pour passer du côté italien.


            Le 26, pour les fêtes de la Mascale marquant la fin de la saison des pluies, un Potez 25 survole la ville. La rumeur court qu'il est piloté par le nouveau chef instructeur de l'aviation, John Robinson.


            Le 27, trois Potez 25 décollent à l'aube ; l'un transporte des armes et munitions pour la région du lac Tsana, le second se dirige vers Debre-Marcos tandis que le troisième emmène le Ras Nasibu à Dire-Dawa.

  

Robinson posant devant la dérive du Potez 25 n°2.

Le Potez n°2 aurait été avant tout utilisé par Babitcheff. [Coll Michel Barrière]

Septembre 1935 : les mécaniciens sortent le Potez 25 n°2 du grand hangar d'Akaki. Derrière l'appareil, suivant la manoeuvre, John Robinson (en tenue de vol) et Paul Corriger (casque colonial). [www.gahetna.nl

1934

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1935 (2)